Quand Hollywood produit aussi des données
Ces dernières années, le développement des services de vidéo en streaming a été rapide et massif. Il a changé notre perception de ce qu’est la télévision et la façon dont les produits audiovisuels en général sont consommés. Les principaux streamers que sont Netflix et Amazon Prime Video ont atteint respectivement plus de 220 millions et 151 millions[1] d’abonnés dans le monde en 2021 ; ils sont désormais en compétition avec les nombreux services de streaming lancés plus récemment par les studios et chaînes de télévision traditionnels (de Disney+ à HBO Max, en passant par les plus petits concurrents que sont Peacock, Paramount+, ou Salto en France).

La pandémie de Covid n’a pas créé ce phénomène : elle n’a fait qu’exacerber et accélérer un processus de transformation qui était déjà en cours. Un tournant en a été le moment, il y a moins de dix ans, où les principaux streamers ont commencé à produire des contenus originaux, en plus de leur activité de distributeur. En recentrant l’essentiel de leur activité sur la production de films de super-héros à gros budget, les grands studios hollywoodiens ont laissé le champ libre aux streamers pour se positionner comme premiers interlocuteurs du côté de la production pour toutes les autres catégories de projets.
L’investissement des streamers dans la production originale, y compris de films, a ainsi été massive : Netflix a produit à lui seul environ 1 630 titres originaux entre 2013 et 2021, devenant le premier producteur de films (en volume). En dépit des controverses autour de la présence de « films Netflix » à Cannes, les streamers ont également reçu de la reconnaissance artistique de la part des autorités de jugement esthétique de l’industrie cinématographique (sous la forme de prix, notamment d’Oscars)[2]. Si ces mutations ont d’abord émergé à Hollywood, l’expansion des services de streaming américains et l’émergence de streamers locaux ont placé la question du pouvoir des plateformes et celle de la chronologie d