Au Royaume-Uni, un mouvement social à portée politique
Des militaires réquisitionné·e·s pour remplacer les ambulancier·e·s en grève. Des médias qui publient l’agenda des grèves prévues pour les semaines à venir. Des infirmières qui décident d’arrêter le travail pour la première fois depuis la création de leur syndicat, en 1916. Un million de journées de travail perdues annoncées pour le seul mois de décembre 2022, un record depuis novembre 2011. L’heure est incontestablement à la grève au Royaume-Uni.

Pourtant, y faire grève n’est pas une mince affaire. Depuis le développement, dans les années 1980 et 1990, sous l’égide des gouvernements conservateurs, d’une solide législation antisyndicale, débrayer est devenu une gageure. Pour pouvoir, selon l’expression anglaise, « poser ses outils » (qu’il s’agisse d’un téléphone, d’un stylo, d’une seringue ou de gants de conduite), il faut d’abord être membre d’un syndicat. Ledit syndicat doit organiser une consultation de ses membres par voie postale, et c’est une majorité strictement qualifiée qui doit se prononcer en faveur de la grève pour qu’elle puisse avoir lieu.
Ces formalités bureaucratiques sont bien des obstacles politiques opposés aux employé·e·s qui voudraient s’organiser collectivement. Visiblement, ces obstacles sur le chemin de la grève ne suffisent pas à entamer la détermination syndicale britannique, ces derniers temps. Pour le dire autrement : il est un stade de colère sociale où l’on passe outre. On enjambe les obstacles, paquet de tracts à la main.
Alors… que disent ces tracts ? Quelles sont les causes de la colère d’aujourd’hui, sont-elles européennes ou made in UK ? En somme, que demande le mouvement social britannique, et quelle est la portée politique de ses revendications ?
Qui fait grève et pourquoi ?
Tour d’horizon des centrales syndicales britanniques et de leurs revendications. Parmi les professions dont la grève est la plus médiatisée, il y a les soignant·e·s employé·e·s du service de santé (le National Health Service ou NHS), en l’occurrenc