économie

Promouvoir la propriété sans favoriser la spéculation

Urbaniste

Apparu dans les années 2010, le bail réel solidaire permet une nouvelle forme d’accession à la propriété sans spéculation. Aussi vertueux soit-il, ce régime de « post-propriété » suscite des interrogations, notamment quant à l’appétence des ménages pour un statut de propriété à droits limités, sans risque, mais sans véritable perspective de valorisation patrimoniale.

La promotion de l’accession à la propriété est une constante des politiques du logement en France sans pour autant y avoir développé la monoculture du « tous propriétaires », fréquente en Europe du sud et dans les pays de l’ex-bloc de l’Est. C’est dans ce contexte plutôt marqué par la prudence (éviter le surendettement) et par un souci de bon usage des deniers publics (éviter qu’une aide publique vienne alimenter la spéculation immobilière) qu’est apparu, au milieu des années 2010, une nouvelle forme d’accession à la propriété ciblée sur les ménages à revenus moyens et modestes : le bail réel solidaire (BRS).

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Celui-ci consiste en la dissociation entre la pleine propriété du bâti (la maison, l’appartement) et la location du foncier sur lequel repose l’immeuble, détenu par un organisme foncier solidaire (OFS). Cette formule connaît, depuis les début des années 2020 un succès considérable auprès des collectivités locales et des opérateurs du logement. Pour en comprendre les ressorts, il est utile de resituer cet objet nouveau dans la longue histoire de la promotion de la propriété populaire en France.

L’introduction tardive de l’initiative locale dans les politiques de promotion de la propriété

Dès la fin du XIXe siècle, une part majoritaire des logements ouvriers développés par le patronat était destinée à l’accession à la propriété dans une logique de fidélisation et de stabilisation des familles de leurs salariés. Pendant l’entre-deux-guerres, parallèlement à la construction des cités jardins et à la mise en œuvre du programme locatif issu de la loi Loucheur[1] la production des habitations à bon marché (HBM) est également surtout consacrée à la vente de maisons individuelles destinées principalement aux salariés à revenus modestes[2].

Pendant les Trente Glorieuses, c’est encore l’accession à la propriété qui constitue l’un des principaux moteurs de la croissance urbaine, tant dans les grands ensembles que dans les premières vagues de l’urbanisme pavillonn


[1] Loi du 13 juillet 1928 établissant un programme de construction d’habitations à bon marché et de logements en vue de remédier à la crise de l’habitation.

[2] C. Carriou, Loger les ménages et aménager l’espace urbain ? Les politiques d’habitation à bon marché et l’intégration territoriale du logement social, Thèse de doctorat de l’université Paris 12 Val-de-Marne, 2007.

[3] Loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement.

[4] H. Steinmetz, Produire des petits propriétaires ? Les HLM et l’accession à la propriété (1953-2010), Thèse de doctorat de l’Université Lyon 2, 2013

[5] 3 860 €/m² en 2022 en première couronne parisienne par exemple ou 3 090 €/m² dans les autres métropoles et grandes agglomérations françaises

[6] Seulement quelques milliers de logements neufs chaque année

[7] Dans le cas du PSLA, si la revente intervient dans les dix premières années, le vendeur devra rembourser une partie de l’avantage de TVA dont il a bénéficié.

[8] Le statut des OFS a été créé par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 ; celui du BRS a été institué par l’ordonnance du 20 juillet 2016, prise en application de la loi « Macron » du 6 août 2015

[9] On trouve une synthèse de ces réflexions dans B. Coloos, Statuts atypiques d’occupation du logement : une réponse pertinente, PUCA, 2001.

[10] J.-P. Attard Un logement foncièrement solidaire : le modèle des Community Land Trusts, Mouvement, 2013/2.

[11] Les plafonds de prix de vente sont les mêmes que pour les PSLA (cf note 5)

[12] Par exemple, en 2022 pour un couple avec un enfant en première couronne francilienne, le revenu fiscal de référence annuel du ménage ne doit pas dépasser 78 497 €, ou encore 57 192 € dans les autres métropoles et grandes agglomérations françaises

[13] Généralement l’indice du coût de la construction

[14] Plaine Commune et Est Ensemble sont des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris ; ils regroupent chacun neuf communes

Jean-Claude Driant

Urbaniste, Professeur à l’École d’urbanisme de Paris

Notes

[1] Loi du 13 juillet 1928 établissant un programme de construction d’habitations à bon marché et de logements en vue de remédier à la crise de l’habitation.

[2] C. Carriou, Loger les ménages et aménager l’espace urbain ? Les politiques d’habitation à bon marché et l’intégration territoriale du logement social, Thèse de doctorat de l’université Paris 12 Val-de-Marne, 2007.

[3] Loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement.

[4] H. Steinmetz, Produire des petits propriétaires ? Les HLM et l’accession à la propriété (1953-2010), Thèse de doctorat de l’Université Lyon 2, 2013

[5] 3 860 €/m² en 2022 en première couronne parisienne par exemple ou 3 090 €/m² dans les autres métropoles et grandes agglomérations françaises

[6] Seulement quelques milliers de logements neufs chaque année

[7] Dans le cas du PSLA, si la revente intervient dans les dix premières années, le vendeur devra rembourser une partie de l’avantage de TVA dont il a bénéficié.

[8] Le statut des OFS a été créé par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 ; celui du BRS a été institué par l’ordonnance du 20 juillet 2016, prise en application de la loi « Macron » du 6 août 2015

[9] On trouve une synthèse de ces réflexions dans B. Coloos, Statuts atypiques d’occupation du logement : une réponse pertinente, PUCA, 2001.

[10] J.-P. Attard Un logement foncièrement solidaire : le modèle des Community Land Trusts, Mouvement, 2013/2.

[11] Les plafonds de prix de vente sont les mêmes que pour les PSLA (cf note 5)

[12] Par exemple, en 2022 pour un couple avec un enfant en première couronne francilienne, le revenu fiscal de référence annuel du ménage ne doit pas dépasser 78 497 €, ou encore 57 192 € dans les autres métropoles et grandes agglomérations françaises

[13] Généralement l’indice du coût de la construction

[14] Plaine Commune et Est Ensemble sont des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris ; ils regroupent chacun neuf communes