Politique

Un gendarme fiscal en paille ou en plomb ?

Juriste et sociologue

Les intentions louables de Gabriel Attal, ministre des comptes publics, en matière de lutte contre la fraude fiscale, semblent traduire une certaine naïveté. Cibler en priorité la fraude des hauts revenus ? Ces derniers sont les mieux équipés pour se défendre, en particulier sur le plan fiscal. Créer un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale ? C’est sans compter sur le lobbying des grands cabinets d’avocats fiscalistes. Empêcher les sociétés-éphémères ? Leur ressort principal est le secret, assuré le mieux possible. On peut légitimement se demander quelle sera l’effectivité de ces annonces.

En publiant le 9 mai 2023 un communiqué intitulé « Agir contre les fraudes (fiscales, douanières et sociales) » le ministre des comptes publics Gabriel Attal a un peu surpris son monde. Il énonce une série de mesures normatives et répressives qui, au premier abord, manifestent une réorientation de la politique de contrôle fiscale et innovent de différentes façons.

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Ce programme annonce se focaliser sur les fraudeurs les plus importants, en particulier les entreprises multinationales : « La fraude est un poison lent de notre pacte social. Chaque fraude est grave, mais celle des plus puissants est impardonnable ». Ce choix est justifié par le fait que 80 % des droits redressés sont le fait de 10 à 15 % des dossiers. « À partir d’un certain niveau on doit être davantage contrôlé […] D’ici la fin du quinquennat, les contrôles fiscaux sur les plus gros patrimoines augmenteront de 25 %. Et les cent plus grandes capitalisations boursières feront désormais l’objet d’un contrôle fiscal tous les deux ans »[1]

Les médias ont fait à ce plan ambitieux un accueil prudent, mais plutôt positif. C’est le cas pour Les Échos : « Le gouvernement va intensifier les contrôles fiscaux des plus aisés » ; Le Monde « Notre priorité : faire payer ce qu’ils doivent aux ultra-riches et aux multinationales qui fraudent ». Selon Le Figaro, il s’agit de lutter contre la « lepénisation » des classes moyennes[2]Libération titre « Au nom du fisc […] Gabriel Attal présente un plan qui cible les ultrariches et les multinationales ». Mais trois jours après Le Monde tempère : « Les failles du plan ATTAL contre la fraude fiscale[3] ».

À l’opposé, L’Humanité titre : « Plan anti-fraude : des moyens très éloignés des ambitions[4] ». La CGT des finances se montre très critique « aucun nouveau moyen n’est déployé, les annonces ne sont que des effets de communication qui ne sont pas à la hauteur des enjeux » (O. Villois[5]). Un autre jugement critique se lit dans Les Échos, où J. F. Pécresse voit l


[1] Gabriel Attal, Le Monde, 10 mai 2023, p. 7.

[2] G. Tabard, le 9 mai 2023.

[3] Anne Michel, « Les failles du plan ATTAL contre la fraude fiscale », Le Monde, 12 Mai, p. 9.

[4] Pierric Marissal, 10 mai 2023.

[5] Secrétaire national CGT.

[6] Cour des comptes, 2010, « Les méthodes et les résultats du contrôle fiscal », Rapport public annuel, p.171-206.

[7] Il s’agit d’un accord entre le parquet et un plaignant créé en 2016. En échange du versement de sommes importantes et d’engagements de régularisation, l’entreprise échappe au procès public. Pour la première fois en 2017, le parquet national financier l’a utilisé en matière de fraude fiscale. La banque suisse HSBC en a bénéficié.

[8] Gabriel Attal, Le Monde, op. cit.

[9] Il s’agit d’une peine alternative introduite en France en 1983 qui consiste en un travail non rémunéré de 20 à 400 heures effectué au profit d’une association ou d’une collectivité publique. Depuis 2018, l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelles coordonne cette pénalité.

[10] Gabriel Zucman, La richesse cachée des nations, Seuil, 2017. Enrichi des « Leçons de Panama papers ».

[11] « Gabriel Zucman : « Un impôt universel sur les plus grandes fortunes finira par voir le jour » », L’Obs, vendredi 24 mars 2023.

[12] Gabriel Attal, Le Monde, 10/05/23, p. 7.

[13] Créé en 1997 et ayant fait connaître, entre autres, les pratiques de contournement fiscal du Panama, du Luxembourg, etc., connus sous le nom anglais de Leaks.

[14] Elle devrait entrer en vigueur dans tous les pays de l’Union en janvier 2024.

Pierre Lascoumes

Juriste et sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS et au CEE (Centre d’études européennes et de politique comparée de de Sciences Po)

Notes

[1] Gabriel Attal, Le Monde, 10 mai 2023, p. 7.

[2] G. Tabard, le 9 mai 2023.

[3] Anne Michel, « Les failles du plan ATTAL contre la fraude fiscale », Le Monde, 12 Mai, p. 9.

[4] Pierric Marissal, 10 mai 2023.

[5] Secrétaire national CGT.

[6] Cour des comptes, 2010, « Les méthodes et les résultats du contrôle fiscal », Rapport public annuel, p.171-206.

[7] Il s’agit d’un accord entre le parquet et un plaignant créé en 2016. En échange du versement de sommes importantes et d’engagements de régularisation, l’entreprise échappe au procès public. Pour la première fois en 2017, le parquet national financier l’a utilisé en matière de fraude fiscale. La banque suisse HSBC en a bénéficié.

[8] Gabriel Attal, Le Monde, op. cit.

[9] Il s’agit d’une peine alternative introduite en France en 1983 qui consiste en un travail non rémunéré de 20 à 400 heures effectué au profit d’une association ou d’une collectivité publique. Depuis 2018, l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelles coordonne cette pénalité.

[10] Gabriel Zucman, La richesse cachée des nations, Seuil, 2017. Enrichi des « Leçons de Panama papers ».

[11] « Gabriel Zucman : « Un impôt universel sur les plus grandes fortunes finira par voir le jour » », L’Obs, vendredi 24 mars 2023.

[12] Gabriel Attal, Le Monde, 10/05/23, p. 7.

[13] Créé en 1997 et ayant fait connaître, entre autres, les pratiques de contournement fiscal du Panama, du Luxembourg, etc., connus sous le nom anglais de Leaks.

[14] Elle devrait entrer en vigueur dans tous les pays de l’Union en janvier 2024.