Quelques impensés de l’Open Source Intelligence
« But the skin of the earth is seamless.
The sea cannot be fenced, el mar does not stop at borders.
To show the white man what she thought of his arrogance,
Yemayá blew that wire fence down. »
Borderland/La frontera, Gloria Anzaldúa
«L’OSINT n’atteint son plein potentiel journalistique qu’une fois croisée à des méthodes plus traditionnelles d’investigation, de la coopération avec des lanceurs d’alerte à la collecte de témoignages sur le terrain[1] » peut-on lire dans un récent article du Monde portant sur l’augmentation des effectifs OSINT (Open source intelligence) de la cellule journalistique.

Le 14 février 2023, Hugo Estecahandy écrit dans AOC que « l’OSINT, aussi multiforme soit-il, est avant tout l’adaptation à notre ère numérique de techniques d’enquête plus traditionnelles ».
Cette tension entre terrain numérique et non numérique hante également l’important numéro de la revue Hérodote[2] intitulé OSINT. Enquêtes et terrains numériques, dirigé par Maxime Audinet et Kevin Limonier.
Bien qu’admiratifs du travail réalisé par les services du Monde et les chercheurs précédemment cités, nous avons essayé, avec Gala Hernández López et Jacopo Rasmi, dans un numéro de la revue Multitudes[3] paru en décembre 2022, de proposer d’autres pistes pour envisager l’enquête numérique. Dans cet article, je désire explorer certaines nuances et déplier l’idée d’une complémentarité des démarches OSINT et des « méthodes traditionnelles d’investigation » en interrogeant le rôle joué par les médiations au cœur des pratiques des osinteurs. Il s’agira de comprendre certaines limites des méthodes OSINT, non pas en les séparant de l’enquête de terrain non numérique, mais en réfléchissant à un certain déterminisme technologique orientant le sens de leurs enquêtes.
Pour cela, je commencerai par proposer une définition large de l’enquête, postulant que le terrain numérique n’a pas nécessairement besoin de recourir au terrain non numérique, ou aux « méthodes d’investigations tradit