Médias

Séries ados : vers un féminisme mainstream(ing) ?

Maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication

Si les féminismes contemporains constituent une « quatrième vague » de la lutte pour la cause des femmes, les plateformes de streaming surfent allègrement dessus. La tendance de certaines fictions récentes à incorporer un ensemble de messages et de valeurs affichés comme progressistes, notamment à destination des nouvelles générations, apparaît en effet comme un indicateur de la dissémination d’un « féminisme mainstream » et d’un glissement des mentalités.

Depuis le tournant des années 2010, l’avènement des féminismes en ligne a permis de porter des discours contre-hégémoniques qui condamnent un système normatif stigmatisant pour les femmes et dénoncent l’appropriation des corps féminins par la classe des hommes.

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Ces batailles, héritières en partie de la « deuxième vague » et de la pensée féministe matérialiste, ont gagné en diffusibilité et donc en portée grâce aux nouveaux médias numériques, au premier rang desquels les réseaux sociaux. Les agressions sexuelles, les viols et les féminicides, expressions paroxystiques des violences sexospécifiques, y sont à la fois abordés comme des expériences individuelles (à travers les agrégats de témoignages) et comme les effets d’une domination structurelle. Ils sont, à ce titre, replacés dans un continuum de plus grande ampleur : un vaste réseau de blogs, sites, podcasts, chaines Youtube et comptes sur les RSN[1] prend en charge des problématiques aussi diverses que le harcèlement de rue, l’inégale répartition des tâches domestiques, l’éducation (dé)genrée, les droits reproductifs, etc.

Féminismes de la quatrième vague : des espaces numériques aux sphères médiatiques traditionnelles

Les expressivités féministes numériques trouvent désormais des échos dans les médias d’information dits « traditionnels », mais irriguent également certaines formes fictionnelles. Tandis que le monde du cinéma est agité par un fort effet de backlash[2], les plateformes de streaming vont pour leur part capitaliser sur la lutte contre le patriarcat comme sur la demande montante d’une meilleure représentativité de la part des femmes et les groupes minorisés. L’on assiste ainsi depuis 2013 et le lancement d’Orange is the New Black[3]à un phénomène que Júlia Havas et Tanya Horeck nomment le « Netflix feminism »[4] : la promotion d’un système de valeurs progressistes exploité pour construire une image de marque.

Une autre spécialiste de la plateforme, Mareike Jenner, explique en quoi cette stra


[1] Réseaux sociaux numériques : Twitter, Facebook, Instagram, Tumblr, Tik Tok, etc.

[2] « Retour de manivelle » ou de « bâton » ; la notion vient des travaux de la journaliste et essayiste américaine Susan Faludi. Au moment où j’écris ce texte, en particulier, les choix de films et d’artistes mis en avant au Festival de Cannes suscitent de fortes protestations.

[3] Netflix, USA, 2013-2019.

[4] « Netflix Feminism: Binge-Watching Rape Culture in Unbreakable Kimmy Schmidt and Unbelievable », 2021.

[5] « Transnationalising Genre: Netflix, Teen Drama and Textual Dimensions in Netflix Transnationalism », 2021.

[6] Hulu, USA, depuis 2017, 5 saisons. Adaptation du roman de Margaret Atwood The Handmaid’s Tale, 1985.

[7] Amazon Prime, USA, 2023. Adaptation du roman de Naomi Alderman, The Power, 202.

[8] Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, 2007.

[9] Films et séries centrés sur des protagonistes adolescents ou jeunes adultes, et supposément visionnés en premier lieu par les publics de la même tranche d’âge.

[10] Voir Sex and the séries, Iris Brey, 2016.

[11] Les Choses sérieuses. Enquêtes sur les amours adolescentes, 2023.

[12] Contraction des termes « éducation » et « entertainment ». Voir encore Iris Brey, qui explique que les teen dramas intègrent de longue date « des messages socialement responsables, qui peuvent modifier les attitudes sexuelles ».

[13] Netflix, Canada, 2016-2017.

[14] La question des pronoms (they/them en anglais, en l’occurrence) est récurrente dans ces teen dramas.

[15] Voir par exemple l’article de Mélanie Lallet et Lucie Delias « Les réseaux sociaux numériques et le développement controversé des savoirs d’expérience sur les transidentités », Le Temps des médias n°31, 2018.

[16] Netflix, Royaume Uni, depuis 2022. Adaptation du roman graphique d’Alice Oseman.

[17] Netflix, Espagne, depuis 2018.

[18] Netflix, Mexique, 2020-2022.

[19] Netflix, Royaume Uni, depuis 2019.

[20] Netflix, USA, depuis 2020.

[21] Netflix, Australie, de

Hélène Breda

Maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication, Chercheuse associée à l'IRCAV

Mots-clés

Féminisme

Notes

[1] Réseaux sociaux numériques : Twitter, Facebook, Instagram, Tumblr, Tik Tok, etc.

[2] « Retour de manivelle » ou de « bâton » ; la notion vient des travaux de la journaliste et essayiste américaine Susan Faludi. Au moment où j’écris ce texte, en particulier, les choix de films et d’artistes mis en avant au Festival de Cannes suscitent de fortes protestations.

[3] Netflix, USA, 2013-2019.

[4] « Netflix Feminism: Binge-Watching Rape Culture in Unbreakable Kimmy Schmidt and Unbelievable », 2021.

[5] « Transnationalising Genre: Netflix, Teen Drama and Textual Dimensions in Netflix Transnationalism », 2021.

[6] Hulu, USA, depuis 2017, 5 saisons. Adaptation du roman de Margaret Atwood The Handmaid’s Tale, 1985.

[7] Amazon Prime, USA, 2023. Adaptation du roman de Naomi Alderman, The Power, 202.

[8] Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, 2007.

[9] Films et séries centrés sur des protagonistes adolescents ou jeunes adultes, et supposément visionnés en premier lieu par les publics de la même tranche d’âge.

[10] Voir Sex and the séries, Iris Brey, 2016.

[11] Les Choses sérieuses. Enquêtes sur les amours adolescentes, 2023.

[12] Contraction des termes « éducation » et « entertainment ». Voir encore Iris Brey, qui explique que les teen dramas intègrent de longue date « des messages socialement responsables, qui peuvent modifier les attitudes sexuelles ».

[13] Netflix, Canada, 2016-2017.

[14] La question des pronoms (they/them en anglais, en l’occurrence) est récurrente dans ces teen dramas.

[15] Voir par exemple l’article de Mélanie Lallet et Lucie Delias « Les réseaux sociaux numériques et le développement controversé des savoirs d’expérience sur les transidentités », Le Temps des médias n°31, 2018.

[16] Netflix, Royaume Uni, depuis 2022. Adaptation du roman graphique d’Alice Oseman.

[17] Netflix, Espagne, depuis 2018.

[18] Netflix, Mexique, 2020-2022.

[19] Netflix, Royaume Uni, depuis 2019.

[20] Netflix, USA, depuis 2020.

[21] Netflix, Australie, de