International

Turquie : une diaspora téléguidée ou autonome ?

Géographe

Comment expliquer le fort impact du parti au pouvoir, l’AKP, au sein de la « diaspora » turque, et tel qu’en témoignent les résultats des dernières élections présidentielle et législative en Turquie ? Très probablement par l’importance de réseaux sociaux, lato sensu, qui irriguent un champ migratoire turc aujourd’hui étendu sur la presque totalité du monde.

Les résultats des élections présidentielle du premier tour et législatives turques dans le champ migratoire, de plus en plus considéré comme la « diaspora » turque, laissaient paraître, comme lors des précédentes élections (2014 et 2018) un très fort impact du parti au pouvoir, l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi – Parti de la justice et du développement) avec son allié principal le MHP (Milliyetçi Hareket Partisi – Parti de l’action nationaliste), alors que les sondages laissaient penser que la victoire du parti au pouvoir serait moins nette, voire qu’elle serait celle de l’opposition. Comme souvent, dans bien des pays très différents, les instituts de sondage turcs sont critiqués pour leurs « erreurs ».

publicité

Les résultats de l’AKP retenus en Europe au second tour de l’élection présidentielle sont impressionnants : 57,47 % sous réserve de contestations (fréquentes, mais sans doute sans effets réels) des partis d’opposition. Ces scores n’en demeurent pas moins en régression par rapport à 2018 (59,4 %) et plus encore 2014 (62,2 % avec, il est vrai, une très faible participation). Ils ont cette fois atteint autour de 65 % en Allemagne, 64 % en France. En revanche, ces résultats aux États-Unis et au Canada sont très défavorables à la coalition au pouvoir.

Avec plus de trois millions d’électeurs potentiels en Europe, le taux de participation n’y est pourtant que de 52,67 %, contre 88,92 % en Turquie. En soi, cette situation mérite explication : la différence n’est pas tant liée à un désintérêt des électeurs européens qu’à des impossibilités réglementaires. Les réfugiés statutaires ont coupé leurs relations avec l’administration turque, tout comme de nombreux opposants « potentiels » (notamment des personnes d’origines kurde, alévie, chrétienne orientale, dont les Arméniens de Turquie) ou simplement les personnes peu intéressées par l’actualité turque et n’ayant pas demandé à bénéficier d’une double nationalité, ou encore les enfants qui n’ont pas été inscrits par leurs parents au Consulat de Turquie… tous ceux-ci n’ont pu voter. En Allemagne, les Turcs de nationalité allemande n’ont par exemple pas ou plus le droit de vote en Turquie, certains ont donc été, en toute légalité, refoulés à l’entrée des bureaux de vote. Force est néanmoins de constater la forte participation de 2023.

De fait, les chiffres donnés par la presse turque pour les résultats de Recep T. Erdoǧan, par pays d’immigration, sont très contradictoires : aux « vieux » pays d’immigration turque (Allemagne 65,40 %, France 64,24 %, Pays-Bas 68,39 %, Belgique 72,31 %…) s’opposent parfois les « nouveaux » pays d’immigration (Canada 17,65 %, États-Unis 16,77 %, Italie 23,95 %, Espagne 16,09 %, Portugal 4,42 %, Hongrie 20,68 %…), certains se trouvant comme l’Australie (42,35 %) ou le Kazakhstan (43,17 %) dans des situations plus « moyennes ». Il faut néanmoins être attentif aux effectifs concernés dans chaque pays, allant de quelques centaines d’électeurs (Italie) à plusieurs centaines de milliers (Allemagne, France, Pays-Bas).

Au second tour, alors que les législatives ont été « bouclées » lors du premier tour (vote proportionnel à un tour), les résultats des pays du champ migratoire montrent les mêmes tendances, avec toutefois une érosion notable de la participation ainsi que du vote en faveur de l’opposition. Découragement après les résultats du premier tour présidentiel et peut-être plus encore législatif ? Plusieurs thèses sont en cours ou récemment soutenues sur ce sujet en Allemagne[1].

Comment expliquer ces résultats en diaspora ? Très probablement par l’importance de réseaux sociaux, lato sensu, qui irriguent un champ migratoire turc aujourd’hui étendu sur la presque totalité du monde. Fait nouveau, récent, eu égard à l’histoire et à la géographie mondiales des migrations internationales telle que décrite par Gildas Simon[2]. L’expression « champ migratoire » est plus neutre que « diaspora » car elle désigne l’ensemble des territoires occupés, fréquentés, traversés, par des migrants devenus immigrés. La notion de diaspora ajoute une dimension organisationnelle, d’autonomisation d’une population exilée hors de son territoire d’origine. Emmanuel Ma Mung utilise pour la diaspora chinoise une expression tout à fait adaptée à la situation turque : « multipolarité de la migration et interpolarité des relations[3] ».

Une émigration en réseaux

Il y a lieu de définir, rapidement, ce que serait cette diaspora turque, terminologie pratique mais pas forcément adaptée. J’ai longtemps hésité à qualifier cette migration de diaspora car, si elle en intègre plusieurs segments historiques (juive, arménienne, grecque), elle a vu de nouveaux groupes revendiquer ce qualificatif (assyro-chaldéen, pontique et surtout kurde, puis ouïghour). Les années 1970-1980-1990 ont connu une multitude de débats, colloques, publications, sur le thème des diasporas et j’ai personnellement participé à nombre de ces réunions et publications. Pour les « puristes » (comme le géographe Yves Lacoste), des faits comme la part de la population émigrée par rapport à la population totale, les circonstances de l’exode (génocide, destruction de l’entité politique d’origine…), l’émigration turque ne pouvait être qualifiée de diaspora[4].

Aujourd’hui, l’émigration turque est considérée par beaucoup comme une diaspora mais c’est aussi et surtout parce que l’État turc, sous la direction de l’AKP, a décidé de considérer l’émigration comme une diaspora-instrument de soft power, en ayant longuement étudié la situation européenne, créant des instances ad hoc, permettant, après une longue hésitation, aux émigrés de voter, en multipliant sur le terrain les actions encadrant cette émigration de plus de six décennies et au moins trois générations aujourd’hui.

Cependant, il ne s’agit pas ici d’analyser le « vote turc en diaspora », mais de décrire et analyser le fonctionnement réticulaire, en réseau(x), de l’émigration – ou immigration selon le lieu d’observation de ce phénomène massif qu’est la migration contemporaine turque. L’objectif est d’expliquer pourquoi et surtout comment, malgré le temps qui passe et la dimension territoriale atteinte, ce champ migratoire mondialisé vit à l’heure d’Ankara, d’Istanbul, ou d’autres régions d’origines en Turquie.

À la suite de l’attentat du World Trade Center et à la demande du ministère des Affaires étrangères soudain inquiet de se rappeler que la Turquie est aussi un pays musulman (!), je m’étais livré à cet exercice d’analyse d’un fonctionnement qui n’est pas spécifiquement turc mais qui est sans doute mieux connu dans le cas turc[5]. De nombreux travaux sur les migrations mexicaines, marocaines ou chinoises (et bien d’autres !) montrent des faits et tendances très comparables.

La typologie des réseaux dans le champ migratoire turc est complexe car elle croise plusieurs modalités relevant des champs ethnolinguistiques (les minorités ethniques locales ou « importées » entre la fin de l’Empire ottoman et les débuts de la République, comme les Caucasiens réfugiés en Turquie ou les Tatars de Crimée), confessionnels (islam sunnite et chiite, alévisme et hétérodoxie, soufisme, christianisme oriental, judaïsme yézidisme), idéologiques (droite islamiste et/ou panturquiste, gauche révolutionnaire et modérée, nationalismes, d’abord turc mais aussi kurde, arménien, assyro-chaldéen…). Cette typologie, définie et analysée dans l’ouvrage de Peter Alford Andrews montre une République de Turquie encore largement liée aux faits sociaux de l’Empire ottoman, disparu et remplacé en 1923 (suppression de l’Empire, instauration de la République) et 1924 (suppression du Califat). Cet ouvrage collectif qui recense 47 minorités en Turquie peut illustrer le fait que la plupart de ces « minorités », au sens européen et non turc du terme, forment potentiellement 47 diasporas en émigration[6].

Filières migratoires et réseaux sociaux

La notion de « filière migratoire » soulignée par Gildas Simon à partir de sa thèse sur l’immigration tunisienne, a été systématiquement appliquée au cas turc. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de migrations en chaîne de populations apparentées, souvent originaires d’un territoire bien identifié, parfois issues d’un groupe particulier, et donc liées par des solidarités préexistantes, anciennes, vivantes… et parfois difficiles à cerner, sinon opaques.

Dès les premiers travaux sur l’immigration turque en France (de 1978 à 1985, Gaye Petek-Şalom, Altan Gökalp, Riva Kastoryano), deux termes sont mis en exergue : akrabalık (les réseaux de parentèles, de la famille élargie à la tribu) et hemșehrilik (la solidarité animée par une origine géographique commune, qui peut également allier des paramètres confessionnels, par exemple les Alévis de telle vallée du Taurus ou d’Anatolie centrale, ou tribaux, comme l’appartenance à une tribu kurde[7]). Les modalités de recrutement en Europe ne créent pas le phénomène, mais elles peuvent l’amplifier. C’est ainsi que plusieurs dizaines de filières migratoires turques sont décrites et répertoriées par des ethnologues et anthropologues, géographes et sociologues, dans toute l’Europe, mais aussi en Amérique du Nord[8].

Avec le temps, les regroupements familiaux, l’arrivée à l’âge adulte des enfants qui entrent dans la vie professionnelle, les stratégies d’alliances matrimoniales (souvent mariage « arrangé »), la recherche d’identités sociales, politiques, religieuses, la communauté se construit. Il est illusoire de parler d’une « communauté turque » alors qu’origines, rapports de force, revendications, sont aussi divers. Or, pour la plupart de ces migrants et leurs descendants (qui ont aujourd’hui massivement acquis la nationalité de leur pays d’accueil, sinon de naissance), le lien avec le pays d’origine n’est pas rompu – la « circulation migratoire » selon Gildas Simon – et là aussi, avec le temps, les acteurs politiques turcs vont se doter de « courroies de transmission » très efficaces, dont la construction d’une diaspora instrumentalisée par le pouvoir en place. La circulation n’est pas la migration, elle en est la conséquence, car le lien avec la Turquie se traduit par une multitude de relations, routières, aériennes, maritimes, commerciales, postales, téléphoniques, réseaux Internet et de communications, donc une véritable économie tournée vers la Turquie, et ce malgré le temps qui passe. Dès les années 1980, Claudia Schöning-Kalendar, anthropologue allemande, décrivait un Turkish way-of-life avec des manifestations comme le helâl-business[9].

Réseaux familiaux anciens, réseaux religieux récents

La norme sociale en vigueur est la famille nucléaire mais avec de fortes interactions avec la parentèle, parfois sur une base tribale, établie dans plusieurs pays d’immigration et gardant un lien avec ceux qui sont restés au pays. Ceci explique largement le fonctionnement du choix du conjoint, du mariage très étudié en émigration, impressionnant par les noces organisées en Europe et souvent renouvelées en Turquie (pour ceux qui n’ont pas pu y assister en se déplaçant), avec même l’apparition d’une chaîne de télévision qui retransmet par satellite les cérémonies de mariage de la communauté turque dans le monde entier (Düǧün TV)[10] ! Ce lien familial reste très fort, même après six décennies de présence, donc au moins trois générations. Il peut expliquer l’attachement à la parentèle, le maintien relatif de la langue, la vitalité des moments anthropologiques (naissances et choix des prénoms, fiançailles et mariage, circoncision et service militaire des garçons, décès et rapatriement de corps).

Ce fonctionnement réticulaire, à géométrie très variable (le tribalisme reste bien plus efficient en milieu « kurde » qu’en milieu « turc »), est général au Moyen-Orient. Il a été étudié à Téhéran comme à Ankara ou Istanbul, à Bursa comme à Kaboul ou Beyrouth, et il reste très vivant en émigration, devenant même un classique des chercheurs ou observateurs. Il est à la base de la vie sociale des « communautés » immigrées, sur un constat là aussi très classique de société segmentaire, pour reprendre un terme d’anthropologie.

La force du sentiment religieux mais aussi l’efficacité des réseaux religieux sont, quant à eux, la grande surprise des années 1990-2000. Dans les années 1960, lors des travaux d’approche d’une main-d’œuvre turque destinée à combler les vides créés par la construction du mur de Berlin (Allemagne) ou à remplacer la main-d’œuvre maghrébine (France), dans un double contexte de reconstruction d’une Europe durement affectée par la Seconde Guerre mondiale et de luttes d’indépendance des pays colonisés, s’est imposée l’image d’une Turquie républicaine, en voie de développement, laïcisée, cherchant à s’approcher des valeurs européennes, et en corollaire d’une main-d’œuvre sérieuse, disciplinée, peu revendicative… Avec néanmoins des objectifs différents d’un pays à l’autre, travailleurs invités relativement qualifiés destinés à retourner chez eux après fin de leur contrat (modèle dit Gastarbeiter en Allemagne et Suisse alémanique) ou travailleurs ruraux peu – ou pas – qualifiés en France, avec une nette contradiction entre l’idée de migration de peuplement – avec en corollaire les idées d’assimilation, puis d’intégration – et un modèle non explicité de Gastarbeiter. L’appartenance religieuse des individus a longtemps été occultée ou ignorée.

C’est de fait à partir de 1974-1975, avec le regroupement familial (la venue des épouses et mères de famille d’origines rurales) que le voile « traditionnel » – pourtant fichu paysan davantage que voile islamique – a rendu visible l’appartenance à l’islam, mais aussi avec les contrecoups de la vie politique interne à la Turquie, en particulier les suites du coup d’État de 1980. Au départ, un sentiment religieux diffus, latent, non exprimé, occulté même par le fait que nombre d’intermédiaires, interprètes, membres d’associations (à partir de 1981), porte-parole (dont syndicalistes), « personnes qualifiées » dans les CRIPI – Commissions régionales d’insertion des populations immigrées – et au Fonds d’action sociale, étaient plutôt de « gauche », sinon très souvent de confession alévie[11]. L’émergence de cette religiosité rurale, conservatrice, soutenue par les services consulaires turcs (déjà !) aura été discrète, progressive, mais sans passer par « l’islam des caves ». La revendication première, très souvent jugée légitime, a été celle de locaux à disposition pour des moments religieux, comme le mois de Ramadan. L’action des services sociaux des Consulats a largement appuyé l’achat et la rénovation de locaux dédiés, ensuite desservis par un imam fonctionnaire de Diyanet qui propose et dispense également des cours coraniques pour les enfants, cérémonies de prière ou autres cérémonies spécifiques, de même que les mutuelles de rapatriement de corps.

Plusieurs groupes religieux refugiés en Allemagne d’abord, dans les autres pays du champ migratoire ensuite, sous le coup d’interdictions, de procès, d’une répression généralisée sous couvert de défense du kémalisme et du républicanisme, ont installé leurs propres institutions, en marge des Consulats. Ainsi, Millî Görüs (Vision nationale, traduction assez impropre en réalité), les Kaplancı (du nom de Celattetin Kaplan, imam réfugié en Allemagne), les Süleymanci (d’après le fondateur, Süleyman Hilmî Tunahan, opposant de longue durée au kémalisme et à la laïcisation de la société), se sont regroupés en Allemagne, à l’instar des « Mohajirun du Londonistan » (mouvances islamistes indo-pakistanaises). Il n’était à l’époque ni question de salafisme ni d’État islamique et les dirigeants de ces groupes ont souvent, assez facilement (comme en France l’ayatollah Ruhullah Khomeini !), bénéficié du statut de réfugié politique, quitte à rester sous surveillance policière[12]. Or, les membres ou sympathisants de ces groupes sont très souvent originaires de départements très conservateurs, fiefs du MHP ou de l’AKP ou assimilés : Yozgat, Konya, Erzurum, Trabzon, Rize… Les clivages existants en Turquie, par exemple entre Sunnites et Alévis, comme à Sivas, se sont mécaniquement transférés en Europe[13].

L’État turc a alors pris la décision de créer à Cologne une association de droit allemand nommée DİTİB – Diyanet İșleri Türk-İslam Birliǧi ou Union Turco-Islamique turque des Affaires religieuses – pour contrer les influences des groupes présents. Avant les succès électoraux islamistes de l’AKP, malgré des oscillations importantes (lorsque le parti islamiste de Necmettin Erbakan entrait dans un gouvernement de coalition), DİTİB, émanation de la Présidence des Affaires religieuses d’Ankara, donnait l’image d’un islam laïcisé, républicain, fidèle au kémalisme et compatible avec les visions européennes de l’appartenance religieuse (avec d’énormes variations cependant entre une vision française de la laïcité et des visions allemande ou britannique par exemple).

Avec les victoires électorales de l’AKP, la donne change : l’islam oppositionnel (ou parallèle) prend le pouvoir en Turquie et renforce considérablement la présence de groupes jusqu’alors dans l’opposition au kémalisme et souvent réprimés. Les successifs postes à responsabilité de R. T. Erdoǧan ne font que conforter une évolution perceptible en Turquie dès les années 1950 : passage au multipartisme, gouvernement Menderes dissous par un premier coup d’État en 1960 pour des raisons liées à la remise en cause du kémalisme… La situation de mai-juin 2023 peut être considérée comme une conséquence logique d’un mouvement de fond bien plus ancien et profond que l’actuel AKP. Il existe d’ailleurs en Turquie toute une littérature sociologique et politologique décrivant cette lente mais irrépressible remontée de l’islam politique. Les maîtres mots de cette reconquête sont tarikat (confrérie soufie) et cemaat (communauté religieuse). On parle parfois même de néo-tarikat pour qualifier les versions fortement politisées de tarikat anciennes, comme les créations de Fethullah Gülen ou Süleyman Hilmî Tunahan.

En 2023, et sans doute pour de longues années encore, toutes choses égales par ailleurs, l’islam politique turc est bien installé et s’est donné des moyens de défense et d’expansion, tant en Turquie qu’à l’étranger. Si l’on reste sur le plan « religieux » (en réalité à très forte connotation idéologique, bien plus que confessionnelle), les groupes ou mouvances installés en Europe sont variés mais partagent une même vision de l’avenir d’un monde islamisé ; tactiques et stratégies peuvent changer, mais l’objectif est le même. Sont donc présents et actifs en émigration DİTİB-Diyanet, Millî Görüș, Nakșibendî de tendances diverses (Süleymancı, Menzilci, Nurcu…). Certains sont en perte de vitesse (Kaplancı, Gülenci…) ou plus discrets (comme la version turque du Hizb-ül Tahrir en Allemagne). Chacun dispose aujourd’hui, dans toute l’Europe, de lieux de culte, « catéchisme » pour les enfants, formation des imams, scolarisation, et fait preuve d’un dynamisme croissant. Le recours aux subventions publiques est rare, ces groupes recherchent bien plus la reconnaissance et la légitimation, soutenus par l’État turc pour les uns, par des acteurs beaucoup plus occultes pour d’autres[14].

Face à eux, mais très en retrait car souvent peu soutenues voire abandonnées par les pouvoirs publics depuis de longues années, les associations alévies, chrétiennes orientales, républicaines laïques ou kémalistes, Or ces associations, même si elles font appel aux cotisations et dons, sont bien plus dépendantes des financements publics, locaux ou nationaux.

Réseaux propres aux partis politiques

Ceci nous amène aux réseaux politiques souvent alliés, voire issus de groupes religieux, mais pas uniquement. Des partis laïques, de gauche, révolutionnaires, comme le CHP (Cumhuriyet Halk Partisi – Parti républicain du peuple), le HDP (Halklar Demokratik Partisi – Parti démocratique des peuples), le TKP (Parti communiste longtemps clandestin en Turquie) ou le PKK (Partiyâ Karkeren Kurdistan – Parti des travailleurs du Kurdistan d’Abdullah Öcalan), ont en Europe et en France des antennes, le plus souvent créées sous la forme d’associations de Loi 1901. Ceux-ci ne posent a priori pas de problèmes politiques d’intégration à la société française, même si les émanations du PKK sont souvent considérées comme organisations terroristes tant par les autorités américaines qu’européennes. Les associations alévies ont réussi souvent à donner une image positive de leurs efforts d’intégration (non port du voile par les femmes, participation à nombre d’institutions publiques…), tout comme les associations chrétiennes orientales qui peuvent faire appel à la solidarité des Églises. Une brillante illustration de la conjonction entre confession, tribalisme et engagement politique nous est offerte par la thèse d’Élise Massicard qui décrit une filière alévie kurdophone sur base tribale, celle des Koçgiri de Sivas, entre leurs vallées d’origine, Ankara, Istanbul, Stuttgart, Strasbourg, Paris…[15]

À l’inverse, les partis de « droite » ont rarement pignon sur rue, à la notable exception du Saadet Partisi (de la Félicité), parti originel de l’AKP, mais resté plus fidèle à son fondateur Erbakan (l’alliance entre ce parti et le CHP est en réalité très contradictoire et risque bien d’éclater après la défaite de la coalition menée par Kemal Kılıçdaroǧlu). Le MHP (Milliyetçi Hareket Partisi – Parti d’Action nationaliste), ou le BBP (Büyük Birlik Partisi – Parti de la Grande Union), qui tous deux disposent de militants qui peuvent se révéler violents (les Foyers de l’Idéal, Ülkü ocakları, ou « Loups gris » pour les premiers, les foyers des Héros, Alperen Ocakları, pour les seconds), n’ont pas d’antennes politiques en émigration. Ils sont pourtant bien présents par associations d’entraide, d’amitié franco-turque, regroupées pour le MHP en Fédération turque (Türk Federasyon) qui, chaque année, rassemble son congrès dans la banlieue parisienne[16]. Les écarts de conduite de Lyon ont entraîné le ministre de l’Intérieur, M. Gérald Darmanin, à décider la dissolution du « groupement de fait » des Loups gris, ce qui ne paraît pas très efficace dans la mesure où aucune association ne porte ce nom en France.

L’AKP de R. T. Erdoǧan n’a pas besoin de tels relais, tout simplement parce qu’il peut se reposer sur l’appareil d’État ! Il dispose ainsi d’instruments d’ingérence nombreux, efficaces. Pendant de longues années, une association de jeunes formée à Belfort puis recentrée sur Strasbourg – le Conseil de la Jeunesse Pluriculturelle ou CoJeP, avant de prendre un envol étonnant, a été intelligemment instrumentalisée comme relais du discours AKP en France et en Europe, auprès des institutions européennes (Strasbourg et Bruxelles).

Fondé à Belfort en 1982 sous le regard bienveillant de Jean-Pierre Chevènement, le CoJeP s’est installé en 1985 à Strasbourg, se présentant comme « les enfants de Millî Görüș », et a largement développé ses activités autour du Conseil de l’Europe, du Parlement européen et de l’Union européenne, donc à Strasbourg puis à Bruxelles. En 2015 a même été fondé un parti politique français : le PEJ – parti Égalité et Justice très proche des députés turcs du Conseil de l’Europe dont le futur Président Abdullah Gül. Le CoJep s’est vite illustré comme relais européen de l’AKP. De très nombreux autres relais, portant des dénominations variées, se sont créés un peu partout, avec des succès divers (étudiants, élus locaux, commerçant et hommes d’affaires). Après quelques succès locaux, surtout en Alsace et en Lorraine, CoJeP et PEJ ont fini par être clairement identifiés comme « sous-marins » de l’AKP, jusqu’à « autodissolution » du CoJeP par son président, à la suite de la dissolution du « groupement de fait des Loups gris ».

Les outils d’ingérence ou comment décrire les acteurs d’organisation d’une diaspora sous influence

Ambassades et consulats relèvent de la diplomatie normale entre pays souverains et partenaires. La France abrite plusieurs ambassades ou représentations permanentes aux missions parfois spécifiques : ambassades de Paris, près l’OCDE, près l’UNESCO, près institutions européennes. Plusieurs Consulats généraux également : Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, ces deux derniers étant récents. Ces établissements et leurs agents bénéficient de leurs statuts diplomatiques, rien que de très normal, mais on notera une couverture territoriale importante. Pour assez bien connaître le fonctionnement des Consulats généraux, plusieurs remarques s’imposent car deux catégories de fonctionnaires détachés y sont gérées.

Depuis 1978, un accord bilatéral a mis en place un réseau de diffusion de la langue et de la culture turques sur le modèle des ELCO (enseignements de langue et culture d’origine), commun à d’autres pays d’émigration vers la France (Algérie, Maroc, Tunisie, Espagne, Italie, Portugal, Yougoslavie, Turquie). Formé par des enseignants turcs titulaires donc fonctionnaires, ce dispositif était plus ou moins bien intégré dans l’école publique, avec jusqu’à 200 enseignants dans les années 2010[17]. Souvent décrié, en réalité mal connu, le réseau turc a été restructuré en 2021 pour devenir EILE (enseignement intégré des langues étrangères), avec des mesures « nouvelles » qui en réalité ne font que stabiliser ce qui existait déjà dans quelques régions académiques plus « efficientes » que d’autres. Ce dispositif a sans doute les défauts de ses qualités : recrutement en Turquie par le ministère d’enseignants sur des critères nationaux, mise à disposition de matériaux pédagogiques et programmes turcs, que le ministère ou la diplomatie français ne contrôlent que très peu. Ces enseignants, parfois peu ou pas francophones – on est aujourd’hui bien plus attentifs sur ce critère – ont toujours été représentatifs des équilibres propres au fonctionnement de l’Éducation nationale turque, avec des personnes de gauche, de droite, républicaines laïques ou islamistes, voire nationalistes ou panturquistes, bons ou moins bons pédagogues, capables ou non de s’intégrer dans un projet d’école… Le fait est qu’en période de contrôle de cet équilibre par telle ou telle mouvance (la personnalité du ministre est ici primordiale), les profils des enseignants (comme des imams !) peuvent changer du tout au tout. Une association discrète, de droit turc en territoire français, Okul-Aile Birliǧi – Union École-Famille, sorte d’association de parents d’élèves, de fait très ancienne mais réanimée récemment par les Consulats, participe à la diffusion des idées du ministère turc de l’Éducation nationale.

L’islam turc « officiel », laïcisé, républicain, construit à partir de 1984 à Cologne (DİTİB), s’est d’abord discrètement imposé, les communautés locales de pratiquants achetant souvent une vieille maison ou une friche industrielle avec leurs moyens propres (cotisations, dons) et demandant ensuite une reconnaissance des autorités consulaires, matérialisée par la nomination d’un imam-fonctionnaire de Diyanet, comme observé directement dès les années 1980 à Barr, Obernai, Guebwiller, Sélestat… en Alsace. La reconnaissance par le Consulat donnait évidemment bien plus de poids pour négocier avec les municipalités concernées. Les chargés de mission étaient alors pudiquement nommés « attachés sociaux » (même en étant personnels de Diyanet).

L’image de « l’islam des caves » est bien dépassée. Celle des friches industrielles ou tertiaires rénovées par les pratiquants par leurs propres moyens l’est aussi. De vraies mosquées ont été ou sont construites, dans de nombreuses villes de France (Strasbourg, Nancy, Metz, autour de Paris, Lyon…) ou d’Europe (Kehl, Cologne, Berlin, Munich…), mais dans le cas turc, peut-être plus que dans d’autres, c’est l’affiliation à des partis politiques ou des mouvances politisées qui pose question.

Au-delà de ces outils déjà anciens et intégrés dans le paysage social de la population étudiée, en plus des éléments cités ci-dessus, publics et privés, d’autres acteurs « institutionnels » (parapublics en Turquie, associatifs en France) sont apparus récemment dans l’idée d’encadrer la diaspora : YTB et la fondation Maarif. YTB (Yurtdıșı Türkler ve Akraba Toplulukklar Bașlanlıǧı) ou Présidence des Turcs de l’étranger et des communautés parentes (au préalable des expatriés turcs !) est le type même de l’organisation visant à desservir les jeunes de la diaspora, quitte à fouler les plates-bandes d’autres établissements publics et parapublics comme TİKA, l’Institut Yunus Emre, TÜRKSOY… Depuis les années 1990, les missions comme les contours ont souvent changé. Aujourd’hui, YTB offre des formations, bourses, finance des actions de représentations à l’étranger, et peut être associée à d’autres acteurs comme l’Agence nationale (Ulusal Ajans) qui elle s’est arrogée le secteur des activités relevant d’Erasmus. Ceci en toute discrétion, il semble bien que les autorités des pays d’accueil de l’immigration ne soient jamais au courant de ce qui se passe sur le terrain… tout comme pour les activités des groupes islamistes cités ci-dessus.

La fondation Maarif (« éducation » en arabe) quant à elle, de plus en plus visible en France, a été créée par loi spéciale sur la base d’une réunion entre la fondation Ensar et la fondation TÜRGEV présidée par Bilâl Erdoǧan, le propre fils du Président. Apparue en Alsace à Haguenau, elle s’organise maintenant à partir de Colmar et Strasbourg et étend ses activités dans toute la France. L’objectif est clair : partout dans le monde où travaillait le réseau de Fethullah Gülen que Recep Tayip Erdogan accuse d’être à l’origine du coup d’État manqué de 2016, il s’agit de récupérer tous les biens immobiliers et activités d’un groupe qui au sommet de sa puissance contrôlait plus de 4 000 institutions scolaires dans le monde, allant de l’aide au devoir à l’Université privée, avec une prédilection pour le continent africain.

Actualités françaises : questions sous-jacentes quant à la présence d’un islam turc importé

Qu’en retenir ? Moins qu’en Allemagne, mais de plus en plus prégnante en France, la question de l’ingérence est soulignée par les médias, fait l’objet de rapports et d’ouvrages parfois sujets à polémiques. Force est de constater que justement l’islam turc, au-delà de l’actualité liée aux processus électoraux, à certains épisodes cruciaux comme les événements de Gezi (grand mouvement social de mai-août 2013) ou l’étrange coup d’État raté de juillet 2016, est une sorte d’angle mort de l’islamisme militant, occulté par une tradition relativement démocratique, un discours kémaliste de bon aloi, la qualité de membre influent de l’OTAN depuis la guerre de Corée. C’est oublier que l’Armée kémaliste républicaine n’existe plus, marginalisée par des procès quasi-staliniens et les suites du coup d’État, que les institutions régaliennes comme la Police, la Justice, ou des services publics comme l’Éducation nationale, la Santé ou l’Université publique, ont été purgées et/ou noyautées, que la presse et les médias sont sous contrôle, quand ils n’ont pas été fermés. La question de l’ingérence mérite d’être posée pour une population d’origine turque immigrée, or c’est là que les résultats des élections dans la diaspora doivent être interrogés.

Parmi les débats et les polémiques contemporains, des notions comme « l’islamo-gauchisme » ou « l’islamophobie », la seconde particulièrement instrumentalisée par les partisans de l’AKP en France ou en Turquie, doivent aussi être mises en perspective dans le contexte turc, tout comme l’interrogation de la réalité de liens entre le frérisme arabe et l’islamisme turc. L’image de l’angle mort entre islamisme turc et islamismes arabes – avec toutes les précautions d’usage – réapparaît. Les médias pro-AKP et assimilés sont prompts à dégainer l’arme de l’islamophobie aussi bien en Turquie qu’en émigration. Mais une polémique récente interne au Rassemblement national éclaire la question d’une façon intéressante. Le député RN Joris Hébrard, ancien maire, vice-Président du groupe d’Amitiés France-Turquie inaugurait une grande mosquée DİTİB au Pontet, commune de l’agglomération d’Avignon en mars 2023, déclenchant la colère au RN et à Reconquête d’Éric Zemmour. Cette présence aux côtés du Consul général de Turquie de Marseille et des responsables régionaux et national de DİTİB n’a visiblement pas plu à l’extrême-droite. Or, les justifications de M. Hébrard paraissent parfaitement logiques, et pas seulement en matière électorale. Islamo-droitisme assumé pour des valeurs communes, mais vite dénoncé par les cadres ?

Les réseaux turcs de France, issus de l’immigration mais largement instrumentalisés par l’administration turque, sont multiples, variés, inextricablement imbriqués, mais aussi souvent fortement clivés. Ils sont tout à la fois, à des degrés divers, familiaux et/ou tribaux, au moins socio-anthropologiques, politiques et idéologiques, marqués par le religieux mais pas seulement, car plusieurs nationalismes exacerbés se côtoient, turcs et kurdes (pour ne garder que les principaux). Le suivi des médias français, presse et TV, parallèlement à celui des médias turcs (et évidemment de la production scientifique), montre que les questionnements sont nombreux, de plus en plus précis, tant dans la description que l’analyse, mais qu’il reste difficile de proposer une vision d’ensemble, une analyse inclusive de tous les phénomènes concomitants où la France –territoire et société – n’est ni centrale, ni déconnectée, d’un champ migratoire centré sur la Turquie, mais avec des ramifications sur les cinq continents, des liens dans les mondes turcophones et musulmans.


[1] Comme Inci Öykü Yener, Diaspora’s Political Mobilization for a « Homeland » Political Party: the case of Turkish People’s Democratic Party in Germany and France, thèse de Science Politique soutenue à Strasbourg en 2022, ou Ali Sait Yılkın, Political Participation of Turkish Youth of Germany. Voting and Non-Voting of Grandchildren of “Guest Workers” in Turkish Elections (2014-2018). Bielefeld.

[2] Gildas Simon, professeur de Géographie de l’Université de Poitiers, fondateur du laboratoire MIGRINTER associé au CNRS et de la Revue Européenne des Migrations Internationales. Il a largement contribué à la réflexion sur une vision essentiellement dynamique de la migration internationale à l’échelle mondiale, à partir d’une thèse portant sur les migrations tunisiennes vers la France. Parmi ses ouvrages : Géodynamique des migrations internationales dans le monde, PUF, 1995. Des concepts comme la filière migratoire, la circulation migratoire, ont été développés par nombre de ses élèves et collègues.

[3] Emmanuel Ma Mung, La diaspora chinoise. Géographie d’une migration, Ophrys, 2000.

[4] Yves Lacoste, fondateur de la revue Hérodote, était très strict dans son approche, contrairement à bien d’autres qui ne retenaient que l’étymologie grecque, diaspora étant dispersion, pas forcément juive. Voir par exemple, parmi les très nombreux titres des années 1980-1990 : Gérard Chaliand et Jean-Pierre Rageau, Atlas des diasporas, Éditions Odile Jacob, 1992, et Hérodote n° 53, Géopolitique des diasporas, avril-mai 1989.

[5] Stéphane de Tapia, « Immigrations turques en Europe : typologie des espaces et des réseaux », dans Paul Dumont, Jean-François Pérouse, Stéphane de Tapia, Samim Akgönül, Migrations et mobilités internationales : la plate-forme turque, Les Dossiers de l’IFEA, série la Turquie d’aujourd’hui n° 13, p. 30-78.

[6] Peter A. Andrews, with the assistance of Rüdiger Benningshaus, Ethnic Groups in the Republic of Turkey, Beihefte zu Tübinger Atlas des Vorderen Orients, Reihe B, Nr 60, Dr Ludwig Reichert, Wiesbaden, 1989. Si en français « minorité » a un sens mathématique (un groupe moins nombreux justifiant d’une caractéristique particulière, linguistique, ethnique, politique, orientation sexuelle…), le turc ne reconnaît comme minorité que les populations reconnues au moment du traité de Lausanne de 1923, autrement dit les Kurdes pas plus que les Alévis ne se reconnaissent comme minorités (azınlık).

[7] Riva Kastoryano a été l’une des premières à utiliser et populariser cette terminologie classique turque, thèse publiée en 1986 : Être turc en France. Réflexions sur familles et communautés, CIEMI-L’Harmattan.

[8] Stéphane de Tapia, op. cit.

[9] Claudia Schöning-Kalender, « Le turkish way of life en Allemagne fédérale : la structure interne de la colonie turque de la ville de Mannheim », Espaces et Sociétés, n° 145, 1984, p. 163-171. Le helâl-business désigne toutes les entreprises mettant en avant l’appartenance des Turcs à l’islam : boucheries et restaurants halal, vêtement féminin tesettür, produits touristiques religieux, librairies…

[10] Ural Manço, sociologue belge, auteur de très nombreuses études sur l’immigration en général en Belgique et l’immigration turque en particulier. La dernière porte justement sur le mariage turc en immigration : Ural Manço, Ed., Choix du conjoint en Turquie et dans l’immigration, L’Harmattan, 2023. Le principe de Düǧün TV était simple : produire un film vidéo de la noce en Europe, ensuite diffusé par satellite en Turquie, de quoi alimenter une chaîne populaire ! Malgré deux interdictions en 2014 et 2016, la chaîne continue à émettre.

[11] Ces commissions ont été créées par Michel Rocard, dans le cadre du Haut Conseil à l’Intégration (HCI). Présidée par le préfet de région, la commission éditait chaque année un programme régional (PRIPI) en choisissant un thème, par exemple, le statut des réfugiés et demandeurs d’asile, le statut des femmes immigrées, l’accueil des enfants immigrés en milieu scolaire…

[12] Les visions d’ensemble de ce paysage mi-religieux, mi-idéologique, sont rares, signalons cependant le rapport de Hakim El Karoui, 2018, La Fabrique de l’islamisme, Institut Montaigne.

[13] Élise Massicard, L’autre Turquie. Le mouvement aléviste et ses territoires, PUF, coll. Proche Orient, 2005.

[14] Uǧur Mumcu, Rabıta [Le Lien, Religio], Ankara, Um:ag, 2020 (35e édition).

[15] Elise Massicard, op. cit.

[16] Hors Turquie, c’est en Allemagne que les mouvements nationalistes turcs sont les mieux connus, voir : Fikret Aslan, Kemal Bozay, Graue Wölfe heulen wieder. Türkische Faszisten und ihre Vernutzung in der BRD, Munster, Unrast Verlag, 2000 ; Kemal BOZAY, “… Ich bin stolz, Türke zu sein!”. Ethnisierung gesellschaftlicher Konflikte im Zeichen der Globalisierung, Wochenschau Verlag, Schwalbach, 2005.

[17] Stéphane de Tapia, « L’enseignement du turc en France : école et collège entre deux projets nationaux », dans Ghislain Potriquet, Dominique Huck (dir.), Les Cahiers de GEPE, Émergence des notions de « droit(s) linguistique(s) » et « droit(s) à la langue », 2015.

Stéphane de Tapia

Géographe, professeur de civilisation au Département d’Etudes turques à l’Université de Strasbourg

Notes

[1] Comme Inci Öykü Yener, Diaspora’s Political Mobilization for a « Homeland » Political Party: the case of Turkish People’s Democratic Party in Germany and France, thèse de Science Politique soutenue à Strasbourg en 2022, ou Ali Sait Yılkın, Political Participation of Turkish Youth of Germany. Voting and Non-Voting of Grandchildren of “Guest Workers” in Turkish Elections (2014-2018). Bielefeld.

[2] Gildas Simon, professeur de Géographie de l’Université de Poitiers, fondateur du laboratoire MIGRINTER associé au CNRS et de la Revue Européenne des Migrations Internationales. Il a largement contribué à la réflexion sur une vision essentiellement dynamique de la migration internationale à l’échelle mondiale, à partir d’une thèse portant sur les migrations tunisiennes vers la France. Parmi ses ouvrages : Géodynamique des migrations internationales dans le monde, PUF, 1995. Des concepts comme la filière migratoire, la circulation migratoire, ont été développés par nombre de ses élèves et collègues.

[3] Emmanuel Ma Mung, La diaspora chinoise. Géographie d’une migration, Ophrys, 2000.

[4] Yves Lacoste, fondateur de la revue Hérodote, était très strict dans son approche, contrairement à bien d’autres qui ne retenaient que l’étymologie grecque, diaspora étant dispersion, pas forcément juive. Voir par exemple, parmi les très nombreux titres des années 1980-1990 : Gérard Chaliand et Jean-Pierre Rageau, Atlas des diasporas, Éditions Odile Jacob, 1992, et Hérodote n° 53, Géopolitique des diasporas, avril-mai 1989.

[5] Stéphane de Tapia, « Immigrations turques en Europe : typologie des espaces et des réseaux », dans Paul Dumont, Jean-François Pérouse, Stéphane de Tapia, Samim Akgönül, Migrations et mobilités internationales : la plate-forme turque, Les Dossiers de l’IFEA, série la Turquie d’aujourd’hui n° 13, p. 30-78.

[6] Peter A. Andrews, with the assistance of Rüdiger Benningshaus, Ethnic Groups in the Republic of Turkey, Beihefte zu Tübinger Atlas des Vorderen Orients, Reihe B, Nr 60, Dr Ludwig Reichert, Wiesbaden, 1989. Si en français « minorité » a un sens mathématique (un groupe moins nombreux justifiant d’une caractéristique particulière, linguistique, ethnique, politique, orientation sexuelle…), le turc ne reconnaît comme minorité que les populations reconnues au moment du traité de Lausanne de 1923, autrement dit les Kurdes pas plus que les Alévis ne se reconnaissent comme minorités (azınlık).

[7] Riva Kastoryano a été l’une des premières à utiliser et populariser cette terminologie classique turque, thèse publiée en 1986 : Être turc en France. Réflexions sur familles et communautés, CIEMI-L’Harmattan.

[8] Stéphane de Tapia, op. cit.

[9] Claudia Schöning-Kalender, « Le turkish way of life en Allemagne fédérale : la structure interne de la colonie turque de la ville de Mannheim », Espaces et Sociétés, n° 145, 1984, p. 163-171. Le helâl-business désigne toutes les entreprises mettant en avant l’appartenance des Turcs à l’islam : boucheries et restaurants halal, vêtement féminin tesettür, produits touristiques religieux, librairies…

[10] Ural Manço, sociologue belge, auteur de très nombreuses études sur l’immigration en général en Belgique et l’immigration turque en particulier. La dernière porte justement sur le mariage turc en immigration : Ural Manço, Ed., Choix du conjoint en Turquie et dans l’immigration, L’Harmattan, 2023. Le principe de Düǧün TV était simple : produire un film vidéo de la noce en Europe, ensuite diffusé par satellite en Turquie, de quoi alimenter une chaîne populaire ! Malgré deux interdictions en 2014 et 2016, la chaîne continue à émettre.

[11] Ces commissions ont été créées par Michel Rocard, dans le cadre du Haut Conseil à l’Intégration (HCI). Présidée par le préfet de région, la commission éditait chaque année un programme régional (PRIPI) en choisissant un thème, par exemple, le statut des réfugiés et demandeurs d’asile, le statut des femmes immigrées, l’accueil des enfants immigrés en milieu scolaire…

[12] Les visions d’ensemble de ce paysage mi-religieux, mi-idéologique, sont rares, signalons cependant le rapport de Hakim El Karoui, 2018, La Fabrique de l’islamisme, Institut Montaigne.

[13] Élise Massicard, L’autre Turquie. Le mouvement aléviste et ses territoires, PUF, coll. Proche Orient, 2005.

[14] Uǧur Mumcu, Rabıta [Le Lien, Religio], Ankara, Um:ag, 2020 (35e édition).

[15] Elise Massicard, op. cit.

[16] Hors Turquie, c’est en Allemagne que les mouvements nationalistes turcs sont les mieux connus, voir : Fikret Aslan, Kemal Bozay, Graue Wölfe heulen wieder. Türkische Faszisten und ihre Vernutzung in der BRD, Munster, Unrast Verlag, 2000 ; Kemal BOZAY, “… Ich bin stolz, Türke zu sein!”. Ethnisierung gesellschaftlicher Konflikte im Zeichen der Globalisierung, Wochenschau Verlag, Schwalbach, 2005.

[17] Stéphane de Tapia, « L’enseignement du turc en France : école et collège entre deux projets nationaux », dans Ghislain Potriquet, Dominique Huck (dir.), Les Cahiers de GEPE, Émergence des notions de « droit(s) linguistique(s) » et « droit(s) à la langue », 2015.