Médias

Le(s) métier(s) du photojournaliste indépendant à l’ère numérique

Sociologue

La dégradation du marché de la photographie de presse depuis la fin du XXe siècle a vidé les rangs des photographes de presse salariés à temps plein pour alimenter ceux des photographes indépendants, cumulant les activités professionnelles, les statuts (artiste-auteur, pigiste) et les modes de rémunération. La polyvalence et la débrouillardise, autrefois simples qualités du reporter-photographe, deviennent une véritable injonction à l’ère numérique. Comment penser, aujourd’hui, les métiers du photographe de presse ?

«On est une petite entreprise à soi tout seul. », résume Thomas[1], photojournaliste indépendant depuis 2001, pour rendre compte de ses activités quotidiennes en tant que photographe freelance.

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De la comptabilité jusqu’aux démarches commerciales, de la construction des sujets jusqu’à la post-production des photographies réalisées sur le terrain, le photographe de presse indépendant jongle entre les tâches. Plus encore, il endosse le rôle de plusieurs professionnels à la fois : photographe, journaliste, éditeur, retoucheur, commercial et même diffuseur, sont autant de métiers distincts qui se retrouvent parmi les compétences du photojournaliste moderne.

Se pencher sur le métier de photojournaliste aujourd’hui demande de prendre en compte une réalité ancienne, que partage ce professionnel de l’image avec le journaliste de presse écrite : son activité repose et a toujours reposé sur un flou définitoire, se constituant en « métier de frontière[2] ». Définir le métier de photojournaliste s’impose d’emblée comme un défi, dès lors que ses frontières sont peu définies, mouvantes, et que les statuts et conditions d’existence regroupés derrière cette même appellation sont multiples.

Les différentes définitions existantes, juridiques comme historiques, invisibilisent d’ailleurs les pratiques concrètes de ces travailleurs. D’un côté, la loi définit le photojournaliste, au même titre que le journaliste[3], comme celui dont au moins la moitié du revenu provient de collaborations régulières avec des organes de presse, repoussant ainsi hors des limites du métier les photographes indépendants ayant un revenu majoritairement issu d’autres marchés de la photographie. D’un autre côté, une définition plus ouverte du métier prend en compte le double statut du photojournaliste, à la fois photographe et journaliste, et son rôle dans la construction d’un sujet journalistique : loin de simplement illustrer un papier, il produit des images capables de « devenir […] l’histoire qui ra


[1] Tous les prénoms cités dans cet article sont des prénoms d’emprunt, afin d’anonymiser les paroles recueillies auprès des photojournalistes rencontrés.

[2] Denis Ruellan, Le journalisme ou le professionnalisme du flou, Presses Universitaires de Grenoble, 2007.

[3] Code du travail, article L 761-2, Livre VII.

[4] Gisèle Freund, Photographie et société, Seuil, 1974, p. 107.

[5] Sylvain Maresca, « Nouvelles relations de travail en régime numérique. Le cas de la photographie professionnelle », Réseaux, vol. 186, n° 4, 2014, p. 201.

[6] Il est important de noter qu’il s’agit bien d’une réappropriation, car la retouche et le tirage des images faisaient partie du travail des photographes à l’époque de l’argentique noir et blanc. C’est le passage à l’argentique couleur, à partir des années 1970, qui a notamment confié ces étapes plus complexes à des acteurs extérieurs.

[7] Sylvain Maresca, Basculer dans le numérique. Les mutations du métier de photographe, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 130.

[8] Brian Horton, Associated Press Guide to photojournalism (2de édition), New York : McGraw Hill, 2000.

[9] Everett Hughes, Le regard sociologique, Éditions MSH, 1996.

[10] Alexandra Bidet, L’engagement dans le travail : qu’est-ce que le vrai boulot ? Presses Universitaires de France, 2011.

[11] Guillaume Tiffon, Le travail disloqué. Organisations liquides et pénibilité mentale du travail, Lormont : Le Bord de l’eau, 2021, p. 97.

[12] Ibid.

[13] Garance Chabert, « Le festival Visa pour l’image. Une identité culturelle ambiguë », Études photographiques, n° 15, novembre 2004, p. 104-123.

[14] Olivia Colo, Wilfrid Estève, Mat Jacob, Photojournalisme, à la croisée des chemins, Marval, EMI CFD, 2005, p. 18.

Manon Contreras

Sociologue, Doctorante au Centre Pierre Naville (Université d'Evry Paris-Saclay)

Mots-clés

Journalisme

Notes

[1] Tous les prénoms cités dans cet article sont des prénoms d’emprunt, afin d’anonymiser les paroles recueillies auprès des photojournalistes rencontrés.

[2] Denis Ruellan, Le journalisme ou le professionnalisme du flou, Presses Universitaires de Grenoble, 2007.

[3] Code du travail, article L 761-2, Livre VII.

[4] Gisèle Freund, Photographie et société, Seuil, 1974, p. 107.

[5] Sylvain Maresca, « Nouvelles relations de travail en régime numérique. Le cas de la photographie professionnelle », Réseaux, vol. 186, n° 4, 2014, p. 201.

[6] Il est important de noter qu’il s’agit bien d’une réappropriation, car la retouche et le tirage des images faisaient partie du travail des photographes à l’époque de l’argentique noir et blanc. C’est le passage à l’argentique couleur, à partir des années 1970, qui a notamment confié ces étapes plus complexes à des acteurs extérieurs.

[7] Sylvain Maresca, Basculer dans le numérique. Les mutations du métier de photographe, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 130.

[8] Brian Horton, Associated Press Guide to photojournalism (2de édition), New York : McGraw Hill, 2000.

[9] Everett Hughes, Le regard sociologique, Éditions MSH, 1996.

[10] Alexandra Bidet, L’engagement dans le travail : qu’est-ce que le vrai boulot ? Presses Universitaires de France, 2011.

[11] Guillaume Tiffon, Le travail disloqué. Organisations liquides et pénibilité mentale du travail, Lormont : Le Bord de l’eau, 2021, p. 97.

[12] Ibid.

[13] Garance Chabert, « Le festival Visa pour l’image. Une identité culturelle ambiguë », Études photographiques, n° 15, novembre 2004, p. 104-123.

[14] Olivia Colo, Wilfrid Estève, Mat Jacob, Photojournalisme, à la croisée des chemins, Marval, EMI CFD, 2005, p. 18.