La Primaire populaire : retour sur une comète citoyenniste
L’élection présidentielle de 2022 n’a pas seulement été marquée par une campagne amorphe, privée de débat, glissant vers un duel annoncé entre extrême-droite et extrême-centre.
Elle a aussi vu fleurir des initiatives comme la Primaire populaire qui entendait rassembler les principaux partis de gauche pour l’emporter. Ambitieuse, fortement médiatisée, la Primaire populaire se présente comme un « mouvement citoyen de pression bienveillante et non-violente ». Prise en tenailles entre les critiques des partis et des mouvements sociaux, elle a aussi donné du grain à moudre aux sociologues et politistes[1].
La « PP » se situe au croisement des dynamiques de primarisation[2] et de citoyennisation de la vie politique qu’on peut observer dans les démocraties électives depuis au moins une dizaine d’années. Les primaires présenteraient l’avantage de régler le problème du leadership tout en produisant une image démocratique. À gauche comme à droite, leur multiplication se décline selon des formats fermés (adhérents ou sympathisants Les Républicains) ou ouverts (Parti Socialiste, Europe-Écologie Les Verts). La sociologie et la science politique ont questionné les ambivalences de ces « combats des chefs ». Elles interrogent également les usages controversés du label « populaire » : si la figure citoyenne reste plus consensuelle que celle de l’activiste ou du militant, elle n’en reste pas moins en décalage, dans le cas de la Primaire populaire, avec une base sociale étroite située en haut à gauche[3].
Ce n’est pas la première fois qu’émerge une primaire autoorganisée et « citoyenne ». Déjà, en 2017, la Primaire.org rassemble plusieurs dizaines de milliers de votes, avec la victoire de Charlotte Marchandise, future candidate à la Primaire populaire. Le point commun entre ces deux initiatives tient à ce qu’elles cherchent à court-circuiter les partis. Mais la Primaire populaire a donné lieu à une mobilisation collective sans commune mesure tout en ne produisant que des effets limités sur les dynamiques partisanes.
C’est ce qu’entend démontrer cet article en questionnant le décalage entre l’image médiatique et la réalité du mouvement au prisme des circulations militantes qui l’ont façonné. Il se fonde sur une enquête ethnographique de six mois (janvier 2022 – septembre 2022) dans le cadre d’une observation participante en tant que « simple » bénévole[4], adossée à des entretiens semi-directifs[5] (n = 24) avec d’autres bénévoles, des « super bénévoles » (selon le terme émique), membres du noyau dur et soutiens financiers. L’objectif n’est pas de dresser un bilan en termes de succès ou d’échec, ni de proposer une sociographie des 467 000 personnes qui, en apportant leur soutien, forment le halo de cette mobilisation. Il s’agit plus modestement d’entrouvrir la boîte noire de la Primaire populaire pour saisir ce qui singularise cet assemblage ainsi que les conflits internes et externes qui l’ont mis à l’épreuve pendant ses douze mois d’existence.
Les racines plurielles de la Primaire populaire
La Primaire populaire naît de la « la Rencontre des Justices » qui s’est tenue dans les Yvelines du 16 au 18 octobre 2020, mêlant des acteurs de l’économie sociale avec des mouvements sociaux, féministes, antiracistes et écologistes. Ce rassemblement, dont l’initiative remonte entre autres à la « nouvelle photo du siècle[6] » en juillet 2020, revendique la constitution d’un « bloc des justices » contre les blocs identitaire et néolibéral.
Mettre « l’écologie et la justice sociale au cœur de toutes les politiques publiques » et s’adresser à la fois aux « abstentionnistes » et aux « électeurs qui choisissent de voter aux extrêmes par contestation » : la première édition de la « RDJ » cherche à se donner les moyens de ses ambitions en visant l’organisation d’une primaire « citoyenne[7] ». Ce projet se concrétise par une « intercoalition » d’associations et collectifs qui militent pour l’union des gauches. En février 2021, cette dynamique débouche sur la création de l’association « 2022 ou jamais » en écho à l’appel « 2022, (vraiment) en commun[8] ». En juin 2021, elle est complétée par une seconde association du nom de « Primaire populaire » qui deviendra ensuite « Victoires Populaires » sous la forme juridique d’un parti politique (17 mars 2022).
C’est dans ce contexte d’effervescence que se lancent la Primaire populaire[9] et le « Papillon », un « Sunrise[10] à la française » à plus long-terme. Les deux projets présentent « la même ADN[11] » et finissent par fusionner, en partie sous l’impulsion de Guillaume Duval et Christian Paul qui organisent chaque année le « Festival des Idées » à la Charité-sur-Loire. C’est lors de la seconde édition du festival, début septembre 2020, que plusieurs des co-fondateurs de la future Primaire populaire se rencontrent. Ces deux « barons noirs[12] » de la Primaire exercent une influence décisive en prodiguant moults conseils aux leaders de la Primaire tout en leur assurant un accès privilégié au champ politique (par exemple, en cooptant les leaders de la Primaire sur la boucle Telegram « Initiative Commune[13] »).
Le conseil des Partis se tient courant 2021 avec des membres d’EELV, d’Ensemble, Gauche Démocratique et Sociale, Génération Écologie, La France Insoumise, Lutte Ouvrière, Nous Demain, Nouvelle Donne, le Nouveau Parti Anti-Capitaliste, le Parti de Gauche, Place publique, Pour une Écologie Populaire et Sociale et le Parti Socialiste. De ces réunions hebdomadaires sort le « socle commun[14] », un agenda réformiste aux contours relativement flous, bien qu’il reprenne plusieurs revendications centrales des mouvements écologistes (« vraie loi climat », rénovation thermique) et démocratiques (limitation des mandats, passage à une Sixième République dans le cadre d’une « convention citoyenne pour le renouveau démocratique », RIC délibératif).
En plus de rappeler les liens étroits avec l’hémisphère gauche des partis politiques, cette élaboration collective donne à voir des racines plurielles nouant l’activisme démocratique (Démocratie Ouverte, Tous Élus), le mouvement climat (La Bascule et la Convention Citoyenne pour le Climat, Climates), des collectifs comme les Gilets Citoyens, mais aussi la nébuleuse de l’entrepreneuriat social[15].
L’appui du Conseil National de la Nouvelle Résistance (CNNR) se révèle particulièrement décisif pour obtenir des soutiens financiers indispensables à l’amorce d’une campagne de cette envergure. Par la suite, les dons s’individualisent au fur et à mesure que grandit la « base de données », c’est-à-dire les adresses mails des personnes qui ont signé l’appel et sont susceptibles de faire un don (défiscalisé à 33 %) à l’association « 2022 ou jamais ». Cette capacité à lever des fonds (1 355 000 euros au 7 février 2022, soit une semaine après le vote) explique aussi la vitesse à laquelle se constitue une équipe salariée de 18 personnes (temps-plein, stagiaires et auto-entrepreneurs). Elle permet aussi de situer plus finement une mobilisation qui s’adresse à la partie supérieure gauche de l’espace social où se cumulent capitaux économiques et culturels[16].
Le mouvement se structure autour de l’équipe opérationnelle et surtout du bureau politique qui négocie avec les partis. Pendant l’été 2021, plusieurs dizaines de groupes locaux émergent sous l’impulsion d’entrepreneurs de mobilisation alors que ce déploiement national n’était pas prévu au départ[17]. Des coordinatrices sont chargées de faire le lien entre le « national » et ces unités locales (70 au climax de la mobilisation). En cela, la « PP », se rapproche des mouvements « gazeux » où l’autonomie sans moyen s’articule avec une forte centralisation du pouvoir de décision stratégique[18].
Fin octobre 2021 s’achève la phase de désignation des candidat.e.s plébiscité.e.s par les soutiens de la Primaire (les « parrainages citoyens »). Mais le refus de participer de Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo questionne la faisabilité d’un processus qui bascule, après une consultation de la base, du format d’une primaire à celui d’une investiture malgré les candidats. Pour autant, la Primaire populaire ne se résume pas à ces chiffres ou dates : on gagne à la saisir par les modes d’organisation et les répertoires d’action qui lui confèrent sa spécificité.
La « PP » : bricolage ou assemblage ?
La « PP » se distingue des autres primaires par sa distance vis-à-vis des partis politiques mais aussi par son mode de scrutin. Entre le 27 et le 30 janvier 2022, c’est au jugement majoritaire que 392 738 personnes départagent les 7 candidat.e.s en lice, Christiane Taubira finissant par obtenir la meilleure mention[19]. Inventé par les chercheurs français Michel Balinski et Rida Laraki, ce dispositif de classification, qui attribue des notations à chaque candidat.e, a déjà été éprouvé dans d’autres contextes partisans et institutionnels, en particulier lors de la Convention Citoyenne pour le Climat[20].
Présenté comme une innovation démocratique, le vote au jugement majoritaire favoriserait, selon ses détracteurs, les figures les plus consensuelles. Dans le cas de la Primaire populaire, le rejet explicite des camps écologiste, socialiste et insoumis a favorisé leurs rivaux, en particulier l’ancienne garde des Sceaux, seule candidate à adhérer explicitement au processus. En interne, la réception du résultat est plus que mitigée, en particulier pour la tête du mouvement, plus jeune (moyenne d’âge de 24 ans) et plus à gauche que le corps électoral.
Mais le recours au jugement majoritaire met surtout en évidence un tropisme procéduraliste. D’une part, la notation suppose un sentiment de compétence qui reste socialement situé et objectivable par des capitaux scolaires et/ou culturels. Il rappelle, d’autre part, qu’aucun dispositif n’est par nature démocratique (pas plus le jugement majoritaire que le tirage au sort, la délibération ou l’élection). En l’occurrence, l’absence de débats programmatiques – voire l’absence de programme tout court – a abouti à une procédure fort peu délibérative, contribuant à personnaliser le vote et finissant par faire émerger une candidature supplémentaire.
L’organisation d’un vote – uniquement en ligne contrairement à ce qui était prévu au départ – requiert des savoir-faire et compétences juridiques et techniques qu’on trouve notamment parmi les cadres des partis politiques qui ont déjà fait l’expérience des primaires. C’est ainsi que la personne en charge du vote, membre du Parti Socialiste depuis une quinzaine d’années, a assuré la coordination avec Neovote[21]. Le recours à ce prestataire onéreux (748 000 euros, soit environ 1,90 euros par vote) s’explique par sa position centrale dans le marché de la participation. Par ailleurs, l’affiliation « PP » – « PS » n’est pas un cas isolé, rappelant que la « Primaire » entretient avec les partis des liens bien plus étroits que ne le laissent paraître le discours de façade. La double appartenance ne concerne pas que des marginaux sécants. Cette récurrence signale un engagement de plus en plus distancié qui suscite des conflits de loyauté, exacerbés après la désignation de Christiane Taubira.
Si les nombreux cas de multi-positionnement ont parfois facilité les connexions avec les groupes locaux LFI, EELV (Nantes), PS (Marseille) ou avec les comités de soutien « taubiéristes », les rapports avec les partis restent en général distants, voire tendus dans une phase de mobilisation croissante des bases militantes[22]. Le fait que la « Primaire » entre en concurrence directe avec les processus de désignation partisans permet de saisir ces tensions tout en rappelant l’ambivalence d’une initiative soutenue par de nombreux élu.e.s de gauche[23]. Dans cet espace multipartisan, militants et sympathisants croisent des novices qui s’engagent pour la première fois au-delà de l’isoloir.
Ces simples bénévoles font l’expérience d’une participation scriptée. Au sens littéral d’abord, puisque la tâche des nouvelles recrues est de recruter à leur tour parmi les soutiens ou leur entourage (le « pote-à-pote »). Au téléphone ou de vive voix, la conversation interpersonnelle devient l’instrument privilégié d’une méthode de mobilisation qui porte le nom de Direct Voter Contact[24]. Celle-ci a été importée par Corentin, 32 ans, diplômé d’école de commerce, « fresqueur » pour le climat qui a participé à la campagne de Bernie Sanders en 2016. Fort de cette expérience décisive dans son parcours de politisation, il dirige pendant plusieurs mois la campagne sur le terrain en fabriquant des guides de conversation détaillées. Ces scripts facilitent la mise au travail des bénévoles qui enchaînent les coups de fil (ou les textos) pour mobiliser ou dénouer les difficultés liées au vote pendant l’opération « SAV du siècle[25] ». A l’approche de l’échéance électorale, l’objectif est de cibler les « fruits mûrs » pour les faire tomber dans l’escarcelle insoumise.
On saisit alors mieux la logique du direct voter contact qui consiste à multiplier les soutiens pour ensuite être en mesure de mobiliser cette base le moment venu. Si ce militantisme « 3.0 » prétend à une efficacité supérieure au tractage ou au mass-mailing, les chevilles ouvrières de la « Primaire » organisent aussi des sit-in devant les sièges des partis de gauche, des « points-Pop » ou des événements publics comme les rassemblements pour la clôture des candidatures le 15 janvier 2022[26].
En visant une masse critique, cette manière de mobiliser tous azimuts cherche à concurrencer des partis en perte de vitesse. Cette politique de la data s’inspire du « Sunrise[27] » états-unien qui, en plus de soutenir des candidatures comme celle d’Alexandria Ocasio-Cortez, fait pression sur les élus pour porter la cause écologique. Le poids numérique de la Primaire reste cependant beaucoup plus faible que les primaires du PS et de LR en 2011 (trois millions) et 2016 (quatre millions). En revanche, elle surclasse largement les 22 480 participants à la primaire socialiste et les 106 622 votants de la primaire écologiste de 2021. Du reste, la « Primaire » se situe dans la même fourchette que les 300 000 soutiens pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
La production et la diffusion des scripts de conversation donne à voir le degré de structuration d’une mobilisation où les interactions sont régies par un « cadre de bienveillance ». Plusieurs membres de l’équipe permanente ont reçu une formation aux règles de la « communication non-violente » qui circulent dans des espaces associatifs (Fertiles[28]) ou militants (La Bascule) étroitement liés à « la Primaire ».
La « CNV » repose sur des principes telles que l’écoute active, la curiosité et la bienveillance, l’énergie de la flèche (i.e. garder une attitude constructive) et le principe de la souveraineté (Parler en son « Je » et pas au nom des autres). Les réunions commencent par un « tour de météo », on se répond du « Tac au Tac » en concluant ses prises de parole par un « J’ai dit ». Cette manière de ritualiser les interactions répond à une visée inclusive et pacificatrice ; mais son efficacité est sans cesse minée par une forte asymétrie de l’information. Lors des réunions en ligne, les « coordo’ » transmettent les informations qui viennent d’en haut.
Après le vote, en février 2022, alors que la campagne de Taubira peine à démarrer et que le mouvement se restructure (Assemblée Générale du 12 – 13 février), on mobilise les bénévoles contre la mal-inscription dans le cadre d’une action conjointe avec l’association Tous Élus. « C’était une petite activité pour nous occuper […] ça a été une période où les bénévoles, on leur a plus rien dit. Ils n’étaient plus au courant de rien. Moi quand je voyais mon groupe local, je ne savais pas quoi leur dire. C’était l’enfer[29] ».
Cette division entre les groupes locaux et le « National » éclaire le phénomène des coulisses où se trament les négociations. Les réunions entre les porte-paroles de la « Primaire » et les émissaires des partis se déroulent dans la confidentialité de même que les échanges sur les boucles Telegram. Le décalage entre la « culture de coopération » et la « jungle[30] » en interne montre l’envers du décor de « la Primaire ». Le 5 mars 2022, la PP rallie l’Avenir en Commun. Si la décision a été prise au jugement majoritaire entre les 30 membres du nouveau « Conseil d’Administration[31] », elle déclenche aussitôt la polémique. Dix jours plus tard, les activistes font leur mea culpa[32]et lancent les « Victoires Populaires », parti politique auxiliaire dans la dernière ligne droite de la campagne de Jean-Luc Mélenchon.
Les « bisounours[33] » au pays de la « popole[34] » ?
Comme tout mouvement social, la « Primaire populaire » est traversée par plusieurs visions qui s’affrontent. On peut distinguer une lecture procédurale, focalisée sur la dimension « citoyenne[35] » d’un processus à plus long terme, d’une approche plus instrumentale qui prône le rassemblement immédiat ou, de manière plus pragmatique, la victoire aux élections.
Cette ligne prédominante au sommet, mais minoritaire parmi les soutiens et les votants, finit par s’imposer avec la décision du 5 mars qui déclenche de vives protestations. Des soutiens de la première heure profèrent des menaces de poursuite judiciaire. En plus des échanges de mails virulents, les tribunes et pétitions rendent publiques les dissensions internes[36]. Le recours aux médias met en évidence le manque d’espaces de débat contradictoire propices à une délibération efficace. Il confirme les dysfonctionnements et limites démocratiques qu’avaient déjà identifié des bénévoles revendiquant un « RIC[37] » interne.
La conflictualité tient aussi à l’environnement hostile dans lequel s’inscrit la Primaire et aux relations pour le moins houleuses avec les partis. Ces derniers multiplient les rappels à l’ordre : volte-face de la candidate PS, tentative de rachat par EELV, disqualification systématique par LFI[38]… Cette levée de boucliers confirme que la « Primaire » n’est pas parvenue à se substituer, ni même à rivaliser avec les procédures d’investiture partisane. Cette entreprise politique s’est heurtée avec fracas au monopole des partis quand il s’agit d’aller aux urnes. Même si leurs effectifs fondent comme neige au soleil, ces organisations restent les maîtres du jeu politique, du moins dans sa définition électorale.
Paradoxalement, le passage par la « PP » a conduit certain.e.s bénévoles à s’encarter alors que leur engagement initial se fondait sur une critique des « machines » partisanes et des logiques d’appareil. Une infime minorité a même professionnalisé son activité politique aux côtés de députés fraîchement élus. D’autres, plus nombreux et moins expérimentés, ont basculé vers des actions plus directes, au sein de collectifs de désobéissance civile comme « Dernière Rénovation ». A l’échelle individuelle, ces engagements, inaugurés ou renforcés par l’expérience de la « PP », forment la traînée d’une comète où ont gravité novices, militants et entrepreneurs de mobilisation.
Quelle leçon tirer de cette initiative qui a tenté de reprendre le flambeau d’une union des gauches ? Est-il pertinent de lui attribuer l’émergence de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale ou s’agit-il d’une concomitance liée à l’effervescence électorale ? Le fait qu’aucune alliance n’ait été scellée en amont des présidentielles questionne les failles du mouvement. La distance entre le « national » et les groupes locaux avec un faible niveau de réciprocité ; la forte médiatisation de la « PP » à travers ses deux porte-paroles avec un effet de personnalisation qui éclipse le reste du collectif. La tentative d’une union par en haut n’éclaire-t-elle pas en creux la possibilité d’un rassemblement par la base, option largement débattue au cours de cette période[39] ?
Mais la division des gauches lors de l’élection présidentielle soulève des questions qui dépassent la « Primaire populaire », à commencer par les règles du jeu électoral et du champ partisan. Il faut en effet se rappeler que les fonds attribués aux partis dépendent du nombre total de suffrages (1 % des voix dans 50 % des circonscriptions pour débloquer des financements publics) et d’élus (37 280 euros par an pour un député[40]). L’obstination des partis de gauche devant la défaite annoncée des présidentielles peut s’expliquer par leur usage instrumental de l’élection-reine comme un premier « tour de piste » en vue des législatives. En se frottant aux partis, la Primaire populaire s’y est piquée. Elle a aussi mis au jour le défi que constitue une alliance des gauches afin de sortir de la préhistoire démocratique dans laquelle s’enfonce la Vème République.