Culture

Quand les plateformes SVOD investissent dans la production hexagonale

Chercheur en études cinématographiques et audiovisuelles, Chercheur en info com

Dans le cadre de leur déploiement international, Netflix, Amazon, Disney et Apple investissent de plus en plus dans les productions locales, notamment en France, interrogeant sur les risques de dépendance de la production hexagonale à ces nouvelles ressources. Faut-il dès lors craindre une réorientation de la production vers un cinéma plus ancré dans le divertissement ? Les méthodes de travail de ces sociétés vont-elles se disséminer dans le reste de l’écosystème économique et artistique ?

La crise de la Covid-19 et les restrictions promulguées pour endiguer l’épidémie ont accéléré les changements d’habitudes de consommation des Français. Alors que le visionnage en ligne des films et séries est longtemps resté marginal – essentiellement cantonné aux contenus piratés –, il s’est rapidement démocratisé avec l’arrivée sur le marché d’acteurs étasuniens offrant un accès à des catalogues de films et séries moyennant abonnement (VàDA ou SVOD).

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Le chiffre d’affaires généré par cette nouvelle fenêtre de diffusion a ainsi connu une croissance exponentielle (estimé à 1,726 milliard d’euros en 2022), au point de dépasser celui des salles (que nous pourrions estimer à 1,060 milliard d’euros en 2022[1]) – y compris lorsque celles-ci profitaient d’un contexte plus « favorable » (atteignant 1,448 milliard d’euros en 2019).

Quand bien même les publics reviennent progressivement devant le grand écran – sans pour autant que la fréquentation des salles ne retrouve les niveaux de 2019 –, ces nouvelles pratiques domestiques semblent s’être durablement installées et profiter à quelques sociétés : Netflix, Amazon, Disney et Apple. Comme l’essentiel des industries culturelles, le marché de la vidéo délinéarisé – qui compte près de 80 services en France – prend la forme d’un oligopole à frange. Ces quatre acteurs dominent en effet le marché, en captant l’essentiel des abonnements et des revenus afférents (plus de 90 %, selon certaines estimations), quand d’autres, de tailles plus modestes, attirent à eux un public limité, généralement autour de contenus spécialisés (films patrimoniaux, documentaires de création, etc.).

Cette transformation des modes de consommation et de diffusion des œuvres – qui a retenu largement l’attention des commentateurs et des universitaires – a eu tendance à reléguer au second plan les évolutions relatives aux univers de la production. Pourtant, dans le cadre de leur déploiement à l’international, les acteurs de l’oligopole investissent de


[1] Calculé par les auteurs en fonction du prix moyen du ticket à 6,98 euros et une fréquentation de 152 millions de places.

Quentin Mazel

Chercheur en études cinématographiques et audiovisuelles, Chercheur postdoctoral au LabEx ICCA, chercheur associé au sein de l'IRCAV

Gaël Stephan

Chercheur en info com, Chargé de recherche au sein de la chaire PcEn

Notes

[1] Calculé par les auteurs en fonction du prix moyen du ticket à 6,98 euros et une fréquentation de 152 millions de places.