Ce que le coup d’État fait à la démocratie – à propos du Chili
Un coup d’État est une rupture de l’ordre constitutionnel et juridique. On peut ajouter qu’il est une action perpétrée de l’intérieur de l’appareil d’État, alors qu’une révolution est une action qui émane de l’extérieur et d’en bas, du peuple ou des masses.

De plus, alors qu’un coup d’État ne va généralement pas au-delà d’un changement de gouvernement, une révolution produit des effets de longue durée qui affectent la structure sociale[1]. Mais cette double distinction est-elle si aisée à mettre en œuvre ? À titre d’exemple, le juriste Miguel Reale a considéré le coup d’État du 31 mars 1964 au Brésil comme une révolution et non un simple coup d’État « latino-américain »[2]. Mais, à l’examen, ce discours relève d’un mythe des origines, celui d’une « révolution démocratique et rédemptrice », qui n’est que l’un des « imaginaires » militaires parmi d’autres[3]. En règle générale, les auteurs d’un coup d’État se défendent de faire un coup d’État. Pour en juger, il faut certes prendre en compte la stratégie et l’idéologie de ses auteurs, à l’encontre de l’idée défendue par Malaparte dans Technique du coup d’État (1931)[4], mais à condition de faire subir à cette idéologie l’épreuve de l’histoire.
De 1964 à 1976, les coups d’État du Cône sud se font au nom de la doctrine de la « sécurité nationale ». Mais derrière cette « idéologie » commune, il y a des situations singulières qui ne peuvent être amalgamées. Ainsi du coup d’État du 11 septembre 1973 : ses auteurs affirment lutter pour la « restauration de l’ordre et de l’institutionnalité », rejetant ainsi la responsabilité de la rupture sur l’Unidad Popular (Arrêté N°1)[5]. Au sens strict, il est une contre-révolution qui entend liquider la révolution sociale en cours depuis 1970. Pour décider de sa portée effective, on doit s’interroger sur sa relation au passé national et sur ses objectifs de transformation de la société.
Une rupture avec près d’un demi-siècle d’histoire nationale
Le coup d’État, minutieusement