Pour une sociologie politique du FN/RN
À trois mois des élections européennes, le Front National (FN), devenu Rassemblement National (RN) est déjà donné par les médias comme « gagnant » du scrutin. Depuis l’élection d’un groupe de 89 députés en juin 2022, les titres de presse semblent d’ailleurs suivre un cadrage positif, autour d’un parti qui serait aujourd’hui « normalisé ».

Le FN-RN est mis en scène comme grand « gagnant » de la réforme des retraites[1] ou de la « crise politique » qui en aurait découlé[2]. De la même manière, les instituts de sondages ne cessent de rappeler que Marine Le Pen parviendrait en tête à l’élection présidentielle de 2027[3].
Décaler le regard
Ainsi, qu’il s’agisse de la résolution de fausses énigmes liées à de putatives conséquences politiques de situations de crises particulières et qui ne se valent pas entre elles, ou de prévoir et prédire une élection nationale (trois ans !) avant le scrutin effectif, les catégories de l’entendement journalistique questionnent sur la place de l’extrême-droite dans la vie politique française.
Journalistes et commentateurs du RN supposent alors que la trajectoire du parti est (déjà) toute tracée, en suivant la pente de sa trajectoire électorale, et que sa place au second tour des élections présidentielles est garantie (après 2017 et 2022). Ces commentaires en disent toutefois bien plus sur les catégories d’entendement politique d’une partie des journalistes français et autres sondeurs que sur un changement profond du FN-RN.
Pour saisir ces évolutions, la sociologie des partis politiques et du militantisme invite plutôt à se pencher sur ce qu’il se passe « en interne », au sein de l’organisation. Si ces questions ont essaimé la sociologie dès les années 1980, elles prennent un autre sens à mesure que le parti accède à des positions dominantes dans la vie politique depuis la présidence de Marine Le Pen (2011-2021) et de Jordan Bardella (depuis 2021).
Il s’agit alors de saisir une « normalisation » (ou légitimation) en train de se f