La tour Insee à Malakoff : anachronie d’une chute
«Mesurer pour comprendre », tel est le slogan de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) qui, entre 1975 et 2018, fut hébergé dans une tour tripode de 48 mètres de haut située au bord du périphérique parisien à Malakoff. Plusieurs générations de statisticiens et d’économistes hétérodoxes ou orthodoxes se sont succédé dans ces bureaux, et leurs régulières publications d’indicateurs ont eu des effets considérables sur les politiques publiques des 50 dernières années.

En ce début de printemps 2024, les 32 000 m² de l’édifice dessiné par les architectes Denis Honegger et Serge Lana sont minutieusement grignotés par les machines des démolisseurs qui poursuivent leur radical effacement. En lieu et place, il est prévu d’y installer un nouvel immeuble de bureaux de 35 000 m² pour accueillir l’administration centrale des ministères du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Les alertes citoyennes, en premier lieu celles de l’association IN C’ Malakoff, les oppositions d’élu·es dont Jacqueline Belhomme, maire de Malakoff ou Carine Petit, maire du 14ème arrondissement limitrophe, les tribunes, pétitions, réunions publiques, la déclaration de Chaillot, et même le tout récent avis défavorable de l’enquête publique : rien ne semble pouvoir arrêter cette destruction irréversible. Celle-ci cristallise en réalité un ensemble de mécanismes et de forces à l’œuvre.
En y regardant de plus près, il apparaît même que ce cas particulier nous raconte l’époque. Le scénario de la démolition-reconstruction qui pouvait sembler pour certains une évidence il y a dix ans à peine a été balayé par une autre évidence diamétralement opposée, celle de la conservation-réhabilitation. Que nous raconte ce renversement ? Que dit-il du processus de fabrication de l’architecture et du rôle de ses acteurs politiques et économiques ? Que dit-il des indicateurs utilisés pour prendre des décisions et de notre rapport au temps ?
Cette situation nous confronte en effet à