écologie

L’architecture entre nature et culture ?

Architecte, Architecte

Naviguer entre les paradigmes de nature et de culture dans l’architecture amène à considérer celle-ci non seulement comme une réponse matérielle aux besoins humains mais aussi comme une expression de notre relation complexe et dynamique avec l’environnement. Un défi conceptuel fondamental à relever, à l’heure de l’Anthropocène.

Les discours ambiants enjoignent aux architectures de s’accorder à la nature, mère inspiratrice et bienveillante, de prendre leçons auprès des savoirs immanents qui guident ses déploiements, de mieux mitiger les habitats humains par les milieux vivants.

publicité

Telles seraient les conditions pour engager la bifurcation écologique qui s’impose à nos mondes. Sans succomber cependant à l’empire des naïvetés, pourrions-nous dire, en demeurant alignés sur les savoirs vifs de l’anthropologie, attentifs aux théories des habitats qui nous enseignent que, parmi les fonctions culturelles de l’architecture, comptent celles qui instituent les collectifs humains, avec les relations qu’ils entretiennent entre eux, au sein des écosystèmes dont ils procèdent.

L’architecture

Un imaginaire commun compare les habitats à des enveloppes protectrices qui adapteraient les fragilités humaines à leurs environnements, telles les coquilles générées par les mollusques. Leur construction répondrait ainsi à d’impérieux besoins. Ce n’est pas si simple ! Tant la construction des enveloppes que les besoins auxquelles elles répondraient ne sont inhérents aux nécessités humaines de survie, au point d’y épuiser toutes leurs raisons.

Prétendre être en mesure de les atteindre détourne l’attention des institutions symboliques et collectives où les architectures tiennent une fonction majeure : davantage que des enveloppes qui abriteraient les collectivités et leurs sujets, les architectures déploient pour les ouvrir des espaces – des espacements matériels –, des vides habitables où repos et mouvements trouvent à se loger et à composer avec les altérités et les adversités.

Ces dispositifs n’émergent pas spontanément, au fil d’expressions innées qui seraient inscrites au creux de l’intimité d’Homo sapiens. Ce sont les cultures, avec leur diversité indénombrable, qui composent le foyer de leurs inventions. Les travaux de l’architecte Amos Rapoport, dans les années 1960, ont patiemment informé ces variation


[1] Amos Rapoport, House, Form and Culture, Prentice Hall, 1969, p.26.

[2] Philippe Rahm, Histoire naturelle de l’architecture, Pavillon de l’Arsenal, 2020.

[3] Ibid. p. 9.

[4] Voir Par-delà nature et culture, Éditions Gallimard, 2005.

[5] « La nature aime tout particulièrement les objets ronds, comme il ressort avec évidence de ce qui existe, naît ou se produit sous cette forme. Ai-je besoin de mentionner l’orbe du monde, les astres, les arbres, les animaux et leurs nids, etc., que la nature a tous voulus ronds ? », Leon Battista Alberti, L’Art d’édifier, traduction, notes et présentation de Pierre Caye et Françoise Choay, Le Seuil, 2004, p. 327.

[6] Claude Perrault, la nouvelle traduction française des Dix livres d’architecture de Vitruve, Jean-Baptiste Coignard, 1673.

[7] Louis Sullivan, « The Tall Office Building Artistically Considered », Lippincott’s Magazine, Philadelphia, 1896.

[8] Lotus International 104, Revista trimestriale di architectura, Milano, 1999.

[9] Charles Jencks est un critique et architecte d’origine américaine, reconnu internationalement pour avoir défini le postmodernisme en architecture en 1977 dans The Language of Post-Modern Architecture.

[10] Charles Jencks, The Language of Post-Modern Architecture, Rizzoli, 1977.

[11] « Si nos bâtiments, comme je l’ai soutenu, reflètent nos visions du monde, nous devons les modifier pour nous rapprocher de ce que nous savons maintenant de l’univers – sa non-linéarité, son émergence, sa complexité et son auto-organisation. » (traduction), The Architecture of the Jumping Universe, Academy Editions, 1997, p. 159.

[12]  Voir le thème de l’exposition organisée au MoMa (1988) « Deconstructivist Architecture », avec les projets de Peter Eisenman, Franck Gehry, Zaha Hadid, Coop Himmelb(l)au, Rem Koolhaas, Daniel Libeskind et Bernard Tschumi ; commissaires de l’exposition : Philip Johnson et Mark Wigley.

[13] Voir, par exemples, du côté scientifique : Olivier Hamant, La Troisième voie du vivant, Éditions Odile J

Jean-Jacques Jungers

Architecte, Enseignant-chercheur à l'Université de Louvain

Jean Stillemans

Architecte, Professeur émérite de l'Université de Louvain

Notes

[1] Amos Rapoport, House, Form and Culture, Prentice Hall, 1969, p.26.

[2] Philippe Rahm, Histoire naturelle de l’architecture, Pavillon de l’Arsenal, 2020.

[3] Ibid. p. 9.

[4] Voir Par-delà nature et culture, Éditions Gallimard, 2005.

[5] « La nature aime tout particulièrement les objets ronds, comme il ressort avec évidence de ce qui existe, naît ou se produit sous cette forme. Ai-je besoin de mentionner l’orbe du monde, les astres, les arbres, les animaux et leurs nids, etc., que la nature a tous voulus ronds ? », Leon Battista Alberti, L’Art d’édifier, traduction, notes et présentation de Pierre Caye et Françoise Choay, Le Seuil, 2004, p. 327.

[6] Claude Perrault, la nouvelle traduction française des Dix livres d’architecture de Vitruve, Jean-Baptiste Coignard, 1673.

[7] Louis Sullivan, « The Tall Office Building Artistically Considered », Lippincott’s Magazine, Philadelphia, 1896.

[8] Lotus International 104, Revista trimestriale di architectura, Milano, 1999.

[9] Charles Jencks est un critique et architecte d’origine américaine, reconnu internationalement pour avoir défini le postmodernisme en architecture en 1977 dans The Language of Post-Modern Architecture.

[10] Charles Jencks, The Language of Post-Modern Architecture, Rizzoli, 1977.

[11] « Si nos bâtiments, comme je l’ai soutenu, reflètent nos visions du monde, nous devons les modifier pour nous rapprocher de ce que nous savons maintenant de l’univers – sa non-linéarité, son émergence, sa complexité et son auto-organisation. » (traduction), The Architecture of the Jumping Universe, Academy Editions, 1997, p. 159.

[12]  Voir le thème de l’exposition organisée au MoMa (1988) « Deconstructivist Architecture », avec les projets de Peter Eisenman, Franck Gehry, Zaha Hadid, Coop Himmelb(l)au, Rem Koolhaas, Daniel Libeskind et Bernard Tschumi ; commissaires de l’exposition : Philip Johnson et Mark Wigley.

[13] Voir, par exemples, du côté scientifique : Olivier Hamant, La Troisième voie du vivant, Éditions Odile J