Technopolitique ou l’art de la pêche au gros
Même ceux qui n’ont pas lu Technopolitique d’Asma Mhalla[1] en ont entendu parler car en matière de numérique, peu d’ouvrages ont bénéficié d’une telle couverture médiatique. Pour comprendre les thèses et les arguments de l’auteur et établir leurs limites de validité, il faut sortir de l’effet de sidération du livre et de son style, marqué par l’hyperbole permanente et l’accumulation de faits issus de l’actualité foisonnante dans ce domaine.

On espérait une analyse, qui découpe, classe et oriente, on obtient une « symbiose » qu’on peut résumer par « tout est dans tout et réciproquement ».
Rhétorique de la pêche au gros
Admettons tout d’abord que nous apprenons beaucoup en lisant cet ouvrage : la capacité de l’auteur à accumuler les annonces, les citations, les données qui prolifèrent dans les médias et sur Twitter, permet sans doute au lecteur de procéder à une mise à jour utile sur un point ou un autre. Mais l’avalanche de faits fonctionne un peu comme les réseaux sociaux actuellement : on ne sait plus trier l’important du futile. Or c’est ce que l’on attend d’un tel ouvrage : nous proposer une grille d’analyse, de sélection, de hiérarchisation dans cette agitation permanente du secteur du numérique en général.
En lieu et place d’une grille d’analyse, le lecteur repart avec un stock de « gros mots », supposés montrer l’intrication de tout (politique, technique, économique, géopolitique, cognitif, etc.) débouchant sur une « technologie totale » « symbiotique ». L’inflation des termes hyperboliques est frappante : Big Tech (185 occurrences), Big State (109), Technologie totale (146), système (121) hyper (78 dont hypervitesse, hyperpouvoir, hyperguerre, hypermodernité, etc.), etc. Ils sont tous énoncés comme actes d’autorité terminologique valant conceptualisation à travers le procédé « ….que j’appelle … ».
Cette hyperbole, procédé rhétorique très puissant pour fasciner le lecteur voire pour le sidérer, a semble-t-il très bien fonctionné avec les médias, épa