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Revenir sur Boutcha : désinformer la guerre en Ukraine avec l’OSINT

Chercheur en info-com

L’investigation en sources ouvertes (OSINT) a permis de révéler des crimes de guerre sur de nombreux théâtres d’opération. Une « grammaire de la véridiction » s’est comme imposée pour faire surgir la vérité des images numériques, mais celle-ci joue parfois sur des effets de réels qui font risquer des surinterprétations. Partant, l’OSINT a tout intérêt a davantage réfléchir sur ses propres méthodes, à ouvrir ses propres boîtes noires, pour donner plus de force à ses démonstrations.

L’année dernière dans les pages d’AOC, je proposais de revenir sur ce que j’avais appelé « quelques impensés de l’OSINT », en interrogeant une certaine forme de techno-déterminisme des enquêtes en sources ouvertes, à partir de l’exemple de l’une d’entre elles, réalisée par la BBC, portant sur la mort de plusieurs dizaines d’exilés à la frontière européano-marrocaine de Melilla. L’OSINT, comme l’écrit également dans AOC Hugo Estecahandy, est l’« acronyme accrocheur d’Open Source INTelligence » (« Renseignement en sources ouvertes », en français), ce terme fourre-tout désigne un ensemble de méthodes et techniques d’investigation appuyées sur des ressources numériques. Dans le contexte du conflit en Ukraine, l’OSINT est souvent associé au décryptage d’images de combats ou encore photographies satellites de la ligne front, permettant de localiser des mouvements de troupes ou encore d’identifier certains types d’armement.

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Dans ce nouvel article, je désire justement me concentrer sur des enquêtes portant sur des évènements survenus en Ukraine après son invasion par la Fédération russe. Cependant, je ne me focaliserai pas comme précédemment sur la méthodologie de l’enquête mais j’étudierai certains codes graphiques et visuels utilisés lors des restitutions vidéo de ces investigations. Pour ce faire, je m’appuierai à la fois sur une série d’enquêtes réalisées par le quotidien étatsunien New York Times autour de ce qui été appelé « le Massacre de Boutcha », et j’aborderai également la critique et la récupération de ces formes visuelles OSINT au sein d’« enquêtes » négationnistes et pro-russes à propose même évènement.

J’entends ainsi démontrer que ces formes visuelles constituent, comme toutes formes visuelles médiatiques, un contenant dans lequel n’importe quel discours peut être coulé. Les formes visuelles de l’OSINT ont la spécificité de jouer sur un sentiment d’objectivité et d’adéquation avec la réalité factuelle, grâce à l’utilisation de schèmes graphiques pr


[1] Deneuville, A., Hernández López, G. & Rasmi, J. (2022). Un âge de nouvelles enquêtes ?. Multitudes, 89, 58-66.

[2] Debray, R. (1991). Cours de médiologie générale. Gallimard.

[3] Dans un souci éthique et par compréhension du fonctionnement de l’indexation de moteurs de recherches de Google par la réputation, je ne donnerais pas des liens d’accès à cette désinformation, afin de ne pas lui créer davantage de publicité et de ranking. Je laisse le lecteur curieux mener ces propres recherches pour retrouver de telles vidéos accessibles très facilement.

[4] Huntington, S. P. (1997). Le choc des civilisations. O. Jacob.

[5] « This investigation shows in daming details that these killing were not random acts of violence, but part of a methodical, planed and lethal operation that may amount to crimes against humanity. » Je traduis.

[6] Ledoux, A. (2022). L’enquête OSINT face au « positivisme négatif ». Multitudes, 89(4), 81‑87.

[7] Ibid.

[8] « The ability to turn to open source investigative techniques (often referred to as “OSINT”) has made it possible for reporters to challenge official accounts of the news and uncover stories that they could not have told otherwise. But reliance on this kind of analysis has also fueled misinformation by lending a false sense of certainty to claims based on impartial and, often, unverified material. »

[9] « The maps are perceived as real, not because of their correspondence to reality, but due to their correspon- dence with the adjacent video footage. Simultaneously, the truth-value of the footage is strengthened vice versa by the very same logic: When NYT pinpoints on maps where the footage was taken, coherence is made between the two artifacts, generating a dynamic where they validate each other. » Je traduis. Bjerknes, F. (2022). Images of Transgressions : Visuals as Reconstructed Evidence in Digital Investigative Journalism. Journalism Studies, 23(8), 951‑973.

[10] Goodwin, C. (1994). Professional Vision. American Anthropologist, 9

Allan Deneuville

Chercheur en info-com, maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne (laboratoire MICA)

Notes

[1] Deneuville, A., Hernández López, G. & Rasmi, J. (2022). Un âge de nouvelles enquêtes ?. Multitudes, 89, 58-66.

[2] Debray, R. (1991). Cours de médiologie générale. Gallimard.

[3] Dans un souci éthique et par compréhension du fonctionnement de l’indexation de moteurs de recherches de Google par la réputation, je ne donnerais pas des liens d’accès à cette désinformation, afin de ne pas lui créer davantage de publicité et de ranking. Je laisse le lecteur curieux mener ces propres recherches pour retrouver de telles vidéos accessibles très facilement.

[4] Huntington, S. P. (1997). Le choc des civilisations. O. Jacob.

[5] « This investigation shows in daming details that these killing were not random acts of violence, but part of a methodical, planed and lethal operation that may amount to crimes against humanity. » Je traduis.

[6] Ledoux, A. (2022). L’enquête OSINT face au « positivisme négatif ». Multitudes, 89(4), 81‑87.

[7] Ibid.

[8] « The ability to turn to open source investigative techniques (often referred to as “OSINT”) has made it possible for reporters to challenge official accounts of the news and uncover stories that they could not have told otherwise. But reliance on this kind of analysis has also fueled misinformation by lending a false sense of certainty to claims based on impartial and, often, unverified material. »

[9] « The maps are perceived as real, not because of their correspondence to reality, but due to their correspon- dence with the adjacent video footage. Simultaneously, the truth-value of the footage is strengthened vice versa by the very same logic: When NYT pinpoints on maps where the footage was taken, coherence is made between the two artifacts, generating a dynamic where they validate each other. » Je traduis. Bjerknes, F. (2022). Images of Transgressions : Visuals as Reconstructed Evidence in Digital Investigative Journalism. Journalism Studies, 23(8), 951‑973.

[10] Goodwin, C. (1994). Professional Vision. American Anthropologist, 9