Espagne, USA : l’État de droit menacé par les cours suprêmes
Deux décisions rendues le 1er juillet 2024 par des juridictions supérieures, l’une en Espagne et l’autre aux États-Unis, viennent alimenter les craintes que nous pouvons avoir quant à l’évolution politique des pays démocratiques et soulèvent beaucoup de questions sur l’État de droit. Elles prennent une résonance toute particulière dans une France qui pourrait être gouvernée par le Rassemblement national.
En Espagne, la chambre pénale du Tribunal suprême, que l’on pourrait comparer à la Cour de cassation française, a décidé lundi 1er juillet que les responsables catalans poursuivis et condamnés après le référendum (considéré comme illégal) de 2017, ne seraient pas amnistiés de toutes les peines prononcées à leur encontre, en dépit de la loi d’amnistie votée par les Cortès (l’équivalent de l’Assemblée nationale en France) le 30 mai 2024.
Le même 1er juillet 2024, la Cour suprême des États-Unis était appelée à se prononcer sur l’immunité réclamée par Donald Trump pour mettre fin aux poursuites engagées contre lui en raison de ses tentatives de falsification du résultat de la dernière élection présidentielle, puis de l’insurrection du 6 janvier 2021 au cours de laquelle ses partisans ont envahi le Capitole pour empêcher le Congrès de certifier le résultat du scrutin, alors qu’il était encore président des États-Unis.
Dans les deux cas, ces hautes juridictions intervenaient dans des affaires hautement politiques. Elles ont rendu des décisions plus politiques que juridiques qui vont avoir des impacts considérables.
Espagne : le référendum illégal sur l’indépendance de la Catalogne et ses suites
La question de la place de la Catalogne dans l’ensemble espagnol est ancienne. En 1931, Francesc Macià, dirigeant de la gauche républicaine catalane (ERC), proclama La République catalane une heure avant que la République espagnole soit prononcée. Il devra se contenter finalement d’un régime d’autonomie de la Catalogne au sein de la République espagnole, jusqu’à sa mort en 1933.
En octobre 1934, les ouvriers des Asturies se soulevèrent contre le gouvernement ; profitant de cette situation, cette fois c’est Lluis Companys qui proclama l’indépendance de la Catalogne. Cette tentative fut immédiatement écrasée dans le sang.
La fin du régime franquiste et le retour à la démocratie en Espagne posa à nouveau la question de l’articulation entre les revendications des nationalités qui constituent l’Espagne et la nation espagnole.
Le compromis trouvé en 1978 est traduit dans l’article 2 de la Constitution espagnole : « La constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols, et reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles toutes ».
Ce compromis n’a pas cessé depuis lors d’être l’objet de négociations et d’évolutions. Le pays basque bénéficie du régime le plus avancé d’autonomie au sein de l’ensemble espagnol. La Catalogne ne cesse de réclamer un régime qui soit au moins aussi avantageux et de protester contre ce qu’elle considère comme un déséquilibre financier entre sa contribution au budget espagnol et ce qu’elle en reçoit.
Lorsque le socialiste José Luis Zapatero devint chef du gouvernement en 2004, il était résolu à faire évoluer le statut de la Catalogne pour faire cesser la surenchère. Il parvint à un accord avec les indépendantistes catalans. Cet accord fit l’objet d’une loi adoptée par le Parlement espagnol, puis par référendum (73% des votants ont voté « oui ») en 2006. Le Parti populaire, principal parti de la droite espagnole, engagea une guerre déclarée contre l’autonomie renforcée conférée à la Catalogne par ce nouveau statut. La mobilisation du sentiment d’hostilité à la Catalogne fut un des ressorts important de la campagne du Parti populaire contre le gouvernement socialiste. Il saisit le Tribunal constitutionnel et obtint en 2010 l’annulation d’une partie importante du statut de la Catalogne.
En France, le Conseil constitutionnel s’est interdit de contrôler une loi référendaire, adoptée directement par le peuple souverain.
Le Tribunal constitutionnel espagnol n’a pas le même respect pour la souveraineté populaire.
Cependant, la remise en cause par une juridiction de la volonté exprimée directement par le peuple a entraîné un cycle de conflictualité entre la Catalogne et Madrid, jusqu’à l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne en 2017. Le Parlement catalan adopta le 6 septembre 2017 une loi en vue de l’organisation d’un référendum par lequel les Catalans allaient se prononcer sur la transformation de la Catalogne en une République indépendante.
Ce référendum fut considéré comme illégal, parce que contraire à l’article 2 de la Constitution, tant par le gouvernement, que par le Tribunal constitutionnel et le Tribunal suprême. Le gouvernement fit intervenir les forces de l’ordre au milieu du mois de septembre pour saisir le matériel électoral et empêcher le déroulement du scrutin. Celui-ci fut, malgré tout, organisé. Un peu plus de 42% du corps électoral participa à ce référendum et 90% des votants se prononcèrent en faveur de l’indépendance. Carles Puigdemont, alors président de la Catalogne proclama l’indépendance de la Catalogne en indiquant qu’il la suspendait immédiatement pour engager des négociations avec le gouvernement de Madrid. L’indépendance de la Catalogne n’aura donc duré que quelques secondes.
Le gouvernement central engagea immédiatement des poursuites contre les dirigeants catalans pour « rébellion, sédition, détournement de fonds publics et désobéissance à l’autorité ». Douze dirigeants catalans furent jugés par le Tribunal suprême, neufs furent condamnés à des peines de prison allant jusqu’à 13 ans, certains furent également condamnés pour détournement de fonds publics et tous furent privés de leurs droits civiques pour un certain nombre d’années. Carles Puigdemont, ex-président de la généralité de Catalogne prit la fuite pour éviter la prison, tandis que le vice-président Oriol Junqueras rejoignit son lieu de rétention.
Une grâce accordée par Pedro Sanchez, devenu président du gouvernement, permit aux dirigeants emprisonnés de sortir de prison en 2021, mais elle ne supprimait pas les autres condamnations, notamment celle pour détournement de fonds publics. Elle ne permettait pas non plus à Carles Puigdemont, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, de revenir en Espagne.
C’est pour tourner cette page, trouver un compromis plus stable avec la Catalogne et une majorité aux Cortès, que Pedro Sanchez initia une loi d’amnistie votée le 30 mai 2024, dans un contexte de perte de vitesse des indépendantistes face, notamment, aux socialistes, en Catalogne.
Le Tribunal suprême espagnol vient donc de mettre un coup d’arrêt et à cette tentative de compromis politique à la fois régional et national. Sa décision a été immédiatement utilisée par le Parti populaire pour relancer la guerre et le harcèlement incessant qu’il mène contre le gouvernement socialiste dont il conteste tout simplement la légitimité à gouverner le pays.
Dans cette affaire, le Tribunal constitutionnel a interprété très librement la loi d’amnistie du 30 mai 2024. Il a considéré que cette loi ne pouvait pas couvrir le délit de détournement de fonds publics dès lors que celui-ci pouvait avoir permis l’enrichissement personnel du condamné.
Aucun des responsables condamnés n’a mis d’argent public dans sa poche, mais le Tribunal suprême a considéré que le financement public de l’organisation du référendum illégal de 2017 avait permis aux indépendantistes Catalans de défendre leurs idées sans financer eux-mêmes les dépenses d’organisation de cette consultation et que cela constituait bien un fait d’enrichissement personnel. On voit que la justification est assez tirée par les cheveux. Elle n’a en tout cas rien à voir avec les dispositions de la loi d’amnistie.
Le Tribunal suprême invoque également la lutte des institutions européennes contre le détournement de fonds publics et considère que personne ne pourrait comprendre que les autorités espagnoles fassent preuve de mansuétude vis-à-vis de tels actes alors que l’Union européenne essaie de les combattre par tous les moyens. Il s’écarte ainsi délibérément des objectifs et de la lettre même du texte adopté par le Parlement.
Un autre motif invoqué par le Tribunal suprême est encore plus étonnant. La proclamation de l’indépendance de la Catalogne était susceptible de léser le budget de l’Union européenne, peu importe que cette indépendance n’ait duré que quelques secondes, le temps de sa proclamation par Carles Puigdemont ; le Tribunal suprême considère qu’il est de son devoir de préserver les intérêts financier de l’Union européenne et de l’Espagne, même quand ils ne sont pas réellement menacés.
La décision du Tribunal suprême est agrémentée de considérations sur la mauvaise qualité du travail législatif, ce qui constitue une attaque directe contre le Parlement, surprenante de la part du pouvoir judiciaire qui n’a aucun pouvoir d’appréciation dans ce domaine, ne serait-ce qu’en raison du principe de séparation des pouvoirs.
Cette décision très contestée du Tribunal suprême intervient dans un contexte ou l’indépendance de la justice en Espagne est sérieusement mise en doute. Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, qui joue un rôle comparable au Conseil supérieur de la magistrature en France, c’est-à-dire qu’il nomme les magistrats, décide de leur avancement, de leur mobilité et joue un grand rôle dans l’organisation de la justice, est nommé à la majorité qualifiée par les Cortès et le Sénat. Il aurait dû être renouvelé depuis 2018, mais cela n’a pas été possible en raison du blocage par le Parti populaire du renouvellement de cet organisme. Il craignait que le parti socialiste puisse en prendre le contrôle à l’occasion de son renouvellement. Il faut dire que les dirigeants du Parti populaire faisaient l’objet d’un grand nombre de procédures judiciaires, notamment parce que le financement du PP reposait en grande partie sur le détournement d’argent destiné aux financement de marchés publics, argent qui terminait dans les caisses du PP, mais aussi dans les poches de certains chefs du parti.
En 2022 la commission de l’Union européenne a fini par s’émouvoir de cette situation de blocage, dans laquelle l’indépendance de la justice n’est pas mieux garantie qu’en Hongrie ou en Pologne, et elle a demandé au gouvernement espagnol de trouver une solution. Les deux partis ont passé un accord en juin 2024 qui devait permettre de débloquer enfin la situation et de renouveler les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. La décision du Tribunal suprême du 1er juillet remet en cause ce compromis, et le Parti populaire repart à l’attaque contre le gouvernement socialiste et la loi d’amnistie qui constituait un pas vers le retour à une vie politique normale dans le pays.
Le seul véritable gagnant de cette politique du bruit et de la fureur chère au président du PP, Alberto Nuñez Feijoo, est le parti d’extrême droite Vox, apparu il y a quelques années dans le paysage, le franquisme disparaissant de la mémoire des Espagnols.
C’est dans cette situation que le Tribunal suprême s’affranchit du respect de la loi en décidant de poursuivre ce qui est amnistié par la loi, après que le peuple espagnol a pu constater, en 2010, que ni la volonté de ses représentants au Parlement, ni la sienne propre exprimée par référendum, n’étaient prises en compte par le Tribunal constitutionnel. La décision du Tribunal suprême est aussi une mise en cause explicite de la séparation des pouvoirs, sans laquelle aucune Constitution n’est assurée.
La forte politisation de la justice s’est manifestée, notamment, par des initiatives répétées de juges visant à saboter l’entreprise d’apaisement politique conduite par Pedro Sanchez en Catalogne et à favoriser l’exacerbation des conflits souhaitée par le PP. La décision sans fondement du Tribunal suprême la confirme. Elle est connue et mine la confiance que les Espagnols devraient pouvoir accorder à leurs institutions judiciaires.
Le gouvernement socialiste n’ose pas exprimer de critiques sur ce jugement, de peur d’être rangé dans le camp des complotistes et autres trumpistes mettant en cause la justice. Ses adversaires du PP ne se privent pas de l’utiliser à des fins politiques.
Cette situation, qui n’est pas nouvelle, suscite peu d’intérêt en France et dans le reste de l’Europe, notamment de la Commission de l’UE, plus prompte à surveiller les suspects habituels d’Europe orientale ou maintenant, d’Italie.
Aux USA : l’immunité accordée à Donald Trump par la Cour suprême
De nombreuses procédures ont été engagées au États-Unis contre l’ex-président Donald Trump depuis son départ de la Maison Blanche. Nous n’ignorons plus rien de ses relations avec une ancienne actrice de cinéma X et de la façon dont il confond les dédommagements qu’il doit consentir pour ses turpitudes personnelles et les frais de campagne à l’élection présidentielle ou les comptes de ses sociétés.
Notons d’ailleurs que sa condamnation dans cette affaire, encore susceptible d’appel et de recours en tout genre, a fait grimper en flèche le montant des dons qu’il reçoit pour mener son actuelle campagne présidentielle, ce qui est assez inquiétant sur l’état moral de ce pays.
Parmi les comptes qu’il doit rendre à son pays, figure sa tentative de modifier le résultat de l’élection qu’il a perdue face à Joe Biden, en novembre 2020. Les premières audiences sur ce volet essentiel de l’action de Donald Trump ont eu lieu au mois de mars 2024, le justice n’ayant pas fait preuve de célérité dans cette affaire.
L’ex-président est mis en cause pour avoir fait pression sur des gouverneurs, notamment celui de Géorgie, pour qu’ils modifient le résultat de l’élection présidentielle dans leur État, la victoire de Biden ne pouvant être que le résultat de la fraude toujours dénoncée et jamais démontrée par les trumpistes, qui aurait conduit à « voler l’élection » à Donald Trump.
Ce dernier a également fait pression sur le ministre de la Justice, dans le même but et enfin sur Mike Pence qui présida la séance de certification du résultat de l’élection par le Congrès, le 6 janvier 2021, pour l’empêcher de procéder à cette certification. N’étant pas parvenu à ses fins, il a encouragé ses partisans à prendre d’assaut le Capitole. Le monde stupéfait a vu les images des supporters de Trump envahir le Capitole pour interrompre la session du Congrès pendant que Donald Trump les appelait à « combattre comme des diables ». Cette tentative d’insurrection sera finalement un échec. Mais le traumatisme fut profond.
Les avocats chargés de sa défense ont saisi la Cour suprême pour qu’elle accorde à l’ancien président une immunité totale pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Ils demandaient également qu’aucune poursuite pénale ne puisse être engagée contre un ancien président s’il n’avait pas quitté le pouvoir à la suite d’une procédure de destitution.
La Cour suprême n’a pas fait droit à ces demandes, mais elle a posé le principe d’un très large champ d’immunité pour les présidents américains. Elle considère que « la nature du pouvoir présidentiel exige qu’un ancien président puisse disposer d’une forme d’immunité devant des poursuites pénales pour des actes officiels commis pendant son mandat ». Cette immunité doit être absolue lorsque les actes relèvent des prérogatives que la Constitution lui confère en propre. Il doit aussi jouir d’une présomption d’immunité pour les autres actes officiels, qui ne pourra être levée qu’au cas par cas, en fonction des preuves apportées. Seuls les actes privés ne doivent pas bénéficier de cette immunité. Mais la frontière entre les actes privés et officiels est bien difficile à tracer. Ainsi, les pression exercées par Donald Trump sur le ministre de la Justice pour qu’il modifie les résultats de l’élection sont-elles considérées, par la Cour suprême, comme un acte officiel bénéficiant de l’immunité !
D’autres actes bénéficient selon la Cour suprême d’une immunité moins absolue ; c’est le cas des pressions exercées sur Mike Pence pour empêcher la certification des résultats. Il revient dans ce cas à l’accusation d’obtenir la levée de la présomption d’immunité du tribunal saisi en première instance. Il en est de même pour toutes les autres pressions exercées pour truquer les résultats. Bien entendu, les décisions prises au cas par cas par les tribunaux saisis en première instance pourront faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême. Donald Trump peut donc dormir tranquille, il n’est pas prêt d’être réellement inquiété, à supposer qu’il le soit un jour. On comprends qu’il ait salué la décision de la Cour suprême et se soit déclaré « fier d’être américain » ce jour-là.
L’enquête menée par le procureur spécial Jack Smith est considérée comme insuffisante par la Cour suprême pour lever cette présomption d’innocence.
La Cour suprême n’a pas été unanime pour rendre cet avis qui heurte le bon sens et la justice. Les trois juges libéraux ont signé un avis divergent dans lequel ils écrivent notamment que la relation entre le Président et le peuple sera changée de façon irréversible par cette décision et que le Président devient un roi au-dessus de la loi. Cette immunité créée par la Cour suprême ne repose sur aucune base constitutionnelle. Elle donne les pleins pouvoirs à un président des États-Unis qui sera juge des moyens auxquels il peut recourir pour exercer ses compétences constitutionnelles propres.
Alors que le Tribunal suprême espagnol mettait en cause l’incompétence du pouvoir législatif et la mauvaise qualité de son travail, c’est au nom de la séparation absolue des pouvoirs et de la préservation de ceux dont dispose l’exécutif, que la Cour suprême américaine a pris sa décision. À ses yeux, le plein exercice des pouvoirs confiés à l’exécutif justifie son immunité future et le fait qu’il n’ait de comptes à rendre à personne.
Même les théoriciens de la monarchie absolue n’ont jamais osé aller si loin. Si le monarque était un souverain absolu, cela ne signifiait pas que son pouvoir était sans limites. Il devait l’exercer dans le respect de principes fondamentaux d’organisation de la société, du respect de la place occupée par chacun dans l’ordre social et dans l’intérêt supposé de ses peuples.
La Cour suprême s’est comportée en l’occurrence en serviteur zélé des intérêts de celui qui a nommé plusieurs de ses membres et assuré sa majorité conservatrice. Cette orientation s’est exprimée en 2023 par le renversement de sa jurisprudence qui avait fait du droit à l’avortement un principe défendu au niveau fédéral et non pas une décision revenant à chacun des États américains. Donald Trump s’en était bruyamment félicité. Elle confirme, avec sa décision du 1er juillet 2024, sa participation à la mise en œuvre de l’agenda politique de Donald Trump.
Au-delà de l’indignation que l’on peut ressentir, cette décision ouvre un avenir inquiétant pour l’évolution politique de la première puissance mondiale.
Elle pose aussi la question de la légitimité de l’action et des décisions d’une juridiction placée en arbitre suprême de toutes les autres institutions de l’État, qui n’agit plus qu’en fonction de considérations partisanes. Le discours sur l’État de droit tourne alors complètement à vide lorsque le respect formel de la hiérarchie institutionnelle et de celle des normes administratives, conduit à ce que les principes les plus essentiels du droit, de la préservation des libertés, de la responsabilité des gouvernements et chefs d’État devant leur peuple et devant la justice soient foulés aux pieds comme ils le seraient dans n’importe quelle dictature.
Ce qui se passe aux États-Unis ou en Espagne nous concerne.
Nous employons les mêmes mots, nous avons mis en place des institutions administratives et juridictionnelles fondées sur des principes juridiques assez semblables. Elles ne constituent pas en elles-mêmes des gardiennes des libertés publiques et des principes fondamentaux de la République.
Dans une société qui n’attache plus d’importance à ses valeurs, sans doute parce qu’elles ont été trop souvent invoquées dans le passé en étant immédiatement trahies ; dans un monde où la vérité n’a plus de statut, où seuls comptent les rapports de force, tout ce que nous croyons assuré peut être balayé sans même avoir recours à la violence, mais par une corruption progressive de ce qui faisait tenir ensemble une société démocratique et l’affaissement moral de la société tout entière.