« Fanatisme », de la théologie à la médecine
À l’occasion de la guerre entre Israël et le Hamas, on a vu réapparaître de multiples façons le terme fanatisme. Cette guerre peut être décrite, à la suite de beaucoup d’autres, comme un épisode de « fanatisme », bien que ce qualificatif très fréquent recouvre des connotations différentes. Retenons les arguments qui soulignent la terreur et la démesure de fanatisme. Ainsi le journaliste Marc Semo écrit-il : « En fanatique [nous soulignons], le Premier ministre Netanyahou ne semble plus avoir de limites. » Et l’on trouve la notion d’excès imputée au Hamas dans sa caractérisation par un ancien ambassadeur d’Israël en France, Élie Barnavi : « L’attaque du Hamas résulte de la conjonction d’une organisation islamiste fanatique [nous soulignons] et d’une politique israélienne imbécile. » On pourrait, à la suite de ces citations, caractériser la guerre entre Israël et le Hamas comme une guerre entre deux ennemis « fanatiques », ce qui expliquerait leur hostilité radicale.

Cet article inclut à la fois un examen lexicographique et historique de la conception du « fanatisme » dans le discours théologique et dans le discours médical qui se sont succédés l’un à l’autre. Il renvoie à des transformations structurelles de l’histoire, et d’abord à la naissance du protestantisme, dont les premiers théologiens s’opposent au « fanatisme », violemment. En éclairant le sens de fanatisme, nous nous centrerons sur deux étapes, mais sans suivre toutes les variations du terme fanatisme depuis la Renaissance[1]. Il se trouve que fanatisme, notion théologique, est appliqué péjorativement à des variantes du protestantisme : au XVIe siècle, aux anabaptistes et, au début du XVIIIe siècle, aux protestants insurgés des Cévennes et du Vivarais, les camisards, qui sont ainsi, eux, l’objet d’un jugement médical.
Une des premières occurrences de fanatique se trouve dans un texte en latin de Philippe Melanchthon (1497-1560), humaniste et fidèle ami de Martin Luther (1483-1546), sous la forme