De l’urbex au tourisme de l’abandon : nouveau regard sur les marges urbaines
Si l’urbex s’inscrit dans une longue tradition d’exploration d’espaces liminaux, elle se structure dans les années 1990 sous l’influence du Canadien Jeff Chapman, alias Ninjalicious, dont l’ouvrage Access All Areas reste aujourd’hui encore une référence fondatrice[1]. Il s’agit, donc, d’explorer souvent sans autorisation des sites à l’abandon.

Les motivations à la pratique sont variées : intérêt esthétique (qui nourrit le genre très en vogue de la photographie de ruines contemporaines), sensibilité patrimoniale, ou encore attrait pour une certaine forme d’aventure, voire de mise en scène de soi[2]. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il existe des règles informelles, largement partagées, mais inégalement respectées : ne rien casser pour entrer dans un lieu, ne pas l’altérer d’une quelconque manière en le dégradant ou en emportant ce que l’on y trouve et ne pas révéler la localisation des sites.
Pour plusieurs raisons, l’urbex revêt une dimension marginale, voire transgressive. Cela tient d’abord au type d’espaces qu’elle investit. Les friches sont en effet des espaces souvent dépréciés et associés à des caractéristiques répulsives (dangerosité, laideur, inutilité) : dans les imaginaires collectifs, leur fréquentation suggère plus volontiers une forme de déviance sociale qu’une pratique récréative innocente ! Le caractère illégal de la pratique est également déterminant : bien que certains sites soient ouverts à tous vents, l’urbex constitue techniquement une violation de propriété. Chez certains pratiquants, cela nourrit d’ailleurs le sentiment d’une transgression émancipatrice : l’urbex permettrait d’éprouver l’espace urbain en s’affranchissant des normes de la ville contemporaine et s’apparenterait ainsi à une pratique contestataire[3]. Autant de spécificités qui semblent concourir à faire de l’urbex une pratique confidentielle, accessible à un public restreint d’initiés, et dont les perspectives de diffusion sont modestes.
Pourtant, on constate un