Trump vs. Harris : du genre à l’intersectionnalité
En 2008 et 2012, les États-Unis ont pu élire et réélire un président noir, Barack Obama. En revanche, comme Hillary Clinton en 2016, Kamala Harris vient de perdre en 2024 contre Donald Trump. Joe Biden avait pourtant réussi à l’emporter contre celui-ci en 2020. Il est donc plus facile de faire élire un homme noir qu’une femme noire, ou même blanche. Bien sûr, le genre n’explique pas tout, non plus que la race. Les deux femmes, qui s’inscrivaient dans la continuité d’un président sortant, en ont pâti, et l’inflation pèse aujourd’hui sur les classes populaires. Reste qu’il s’agit d’une nouvelle défaite électorale du féminisme. On ne peut donc éviter la question du genre.

C’est d’autant plus frappant qu’en 2022, la décision Dobbs v. Jackson de la Cour suprême, mettant fin à près de cinquante ans de protection fédérale du droit à l’avortement, avait mobilisé beaucoup de femmes contre les candidats du parti républicain pour les élections de mi-mandat ; Kamala Harris a d’ailleurs joué cette carte pendant toute sa campagne. L’avortement est un enjeu clivant. Pourtant, à y regarder de plus près, la différence entre les deux électorats s’est réduite.
Certes, défendre le droit d’avorter dans tous les cas reste un marqueur démocrate, de même que vouloir l’interdire dans tous les cas est propre à l’électorat républicain. Mais aujourd’hui, c’est à part égale que les deux camps y sont favorables dans la plupart des cas ; enfin, en quatre ans, la part de l’électorat qui veut l’interdire dans tous les cas a diminué des deux tiers (de 17 à 6 %), tandis qu’on est passé de 51 à 65 % prêts à l’autoriser. Dans les urnes, cela s’est traduit par le fait que, dans les dix états où une proposition était soumise au vote protégeant le droit à l’avortement, celle-ci remporte nettement plus de suffrages que la candidate démocrate (jusqu’à 20 points). Tout se passe comme si, désormais, l’avortement était moins l’enjeu que le symbole de l’opposition entre électeurs démocrates et républi