La production politique de la résignation populaire
« La fureur n’est en aucune façon une réaction automatique en face de la misère et de la souffrance ; personne ne se met en fureur devant une maladie incurable ou un tremblement de terre, ou en face de conditions sociales impossibles de modifier. C’est seulement au cas où l’on a de bonnes raisons de croire que ces conditions pourraient être changées, et qu’elles ne le sont pas, que la fureur éclate »
Hannah Arendt, Crisis of the Republic [1]
«On ne nous y prendra plus », « c’est la dernière fois »… la déception des électeurs les plus politisés dans les quartiers populaires suite à la nomination du dernier gouvernement est à la hauteur des craintes et des espoirs qu’avaient fait naître les élections législatives l’été dernier.

La responsabilité du Président de la République est évidente. En ne respectant pas l’issue du scrutin il a contribué à démonétiser un peu plus l’acte électoral auprès d’un segment de la population qui s’était particulièrement mobilisé à cette occasion.
Souligner cette responsabilité historique n’empêche pas de tenter de saisir les racines plus profondes de cette résignation populaire, dont la montée continue de l’abstention depuis quarante ans ne constitue que la matérialisation la plus visible. Alors qu’on pointe souvent les mutations de la structure sociale ou l’essor de formes d’individualisme qui détourneraient de la vie civique, il me semble que des facteurs proprement politiques méritent aussi d’être pris en compte. La démobilisation découle également de l’expérience ordinaire de l’impuissance politique et de l’incapacité des organisations collectives à générer une croyance dans l’utilité sociale de la participation.
Pour explorer la genèse de cette résignation populaire, je me suis immergé pendant plus de dix ans dans la ville de Roubaix, souvent considérée comme la capitale française de l’abstention, commune populaire marquée par une longue histoire d’immigration, elle est de fait souvent associée à l’islam. Le rapport au pol