Géométries de l’impérialisme au XXIe siècle (1/2)
C’est un grand honneur pour moi de donner ce soir, à l’Université Américaine du Caire, la conférence annuelle à la mémoire d’Edward Saïd[1]. C’est aussi un honneur périlleux, non seulement en raison de la qualité de celles et ceux qui m’ont précédé, mais en raison des circonstances dramatiques dans lesquelles nous nous trouvons. Je vais y revenir.
Le titre que je vous ai proposé provient d’un essai de Giovanni Arrighi, The Geometry of Imperialism, publié pour la première fois en 1978 (la même année que L’Orientalisme), aujourd’hui moins connu que ses autres œuvres et de facture curieusement « structuraliste[2]». Je pense que c’est une contribution très intéressante à l’analyse des variations de l’impérialisme, surtout venant d’une des figures majeures de la discussion postmarxiste à propos de la configuration mondiale du capitalisme et de ses hégémonies historiques successives.

Je ne cherche pas à répéter ce qu’il a dit, mais je veux, à mon tour, essayer d’articuler des réflexions sur la complexité du phénomène « impérialiste », sur sa place centrale dans toute interprétation de l’histoire moderne, et sur ses transformations de la dernière période. C’est dans ce contexte que je situerai l’importance de la contribution d’Edward Saïd, dont on pourrait croire à tort qu’elle ne concerne qu’une sorte de conséquence de la structure elle-même. Bien sûr je devrai éluder ou simplifier beaucoup de débats importants portant sur les concepts et leur application, mais c’est le risque que je prends pour attirer l’attention sur ce qui, aujourd’hui, me semble le plus urgent.
Il s’agit, certes, d’une présentation théorique. Mais qui – j’espère qu’on le percevra – ne peut se dissocier d’un engagement militant auprès des luttes anti-impérialistes avec leur diversité et leur unité problématique. Elles sont notre seul espoir de devenir ou de redevenir les acteurs d’un procès d’émancipation collective par rapport à la violence et à l’exploitation. En conclusion de cet exposé, t