Rediffusion

Collaboration, le legs d’Emmanuel Macron

Philosophe

À défaut d’avoir scellé la victoire des progressistes sur les populistes, Emmanuel Macron pourra se vanter d’avoir rendus les premiers indiscernables des seconds. Pour la première fois depuis 1945, le cordon sanitaire n’aura pas tant disparu que changé de bord, usé désormais pour isoler les réfractaires à l’union des droites. Reste pour la gauche à prendre acte de cette bipartition et retrouver la défiance joyeuse des législatives. Rediffusion d’un article du 12 novembre 2024

Emmanuel Macron est un homme de projets. Depuis son irruption dans l’arène électorale, il en a successivement conçu trois, de factures fort différentes, mais qu’il a poursuivis avec un succès que son impopularité croissante ne doit pas occulter.

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Le premier, dont la réalisation a précédé l’entame de son premier mandat, relevait seulement d’une expérience de pensée destinée à mettre sa campagne en récit. Il s’agissait, on s’en souvient peut-être, d’imaginer un « nouveau monde » où l’alternance entre la droite et la gauche disparaîtrait au profit d’une alternative dont les termes étaient le progressisme et le populisme. Confrontés à un tel choix, avançait le héraut de la start-up nation, tous les Français raisonnables, quelle que soit leur affiliation d’origine, ne manqueraient pas de faire le pari de l’ouverture et de l’avenir.

Effacée dès la prise de fonction d’Emmanuel Macron, la story du « en même temps » progressiste a rapidement cédé la place à un deuxième projet, conçu pour assurer la réélection du nouvel hôte de l’Élysée. Celui-ci se donnait alors pour mission de priver les Républicains de leur raison d’être tout en confortant Marine Le Pen dans son rôle de Raymond Poulidor de la République – soit de candidate indéfiniment vouée à finir deuxième. Concurremment fondée sur les difficultés des partis de gauche à s’unir et sur la discipline républicaine de leurs électeurs, cette entreprise a bien atteint son objectif en 2022, puisqu’en privant Valérie Pécresse de troupes au premier tour et en obtenant les voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au second, le président sortant a été reconduit à la tête de l’État.

Pour autant, la manière dont la victoire a été acquise a aussitôt généré des désagréments considérables pour le camp présidentiel : la promotion de la candidate d’extrême droite au rang de challenger officielle s’est en effet traduite par l’entrée en force du Rassemblement National (RN) à l’Assemblée nationale, tandis que le dépit des citoyens qu


[1] En 2010, alors qu’elle menait campagne pour prendre la succession de son père à la tête du Front national, la future présidente du parti s’était déjà alarmée de ces « quartiers où il ne fait pas bon être femme, ni homosexuel, ni juif, ni même français ou blanc » Voir Éric Fassin, « Pourquoi marine Le Pen défend les femmes, les gays, les juifs… », Libération, 20 décembre 2010.

[2] « Nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme », déclare alors le chef de l’État, en présence de Benyamin Netanyahou.

[3] Gérald Darmanin, Séparatisme islamiste. Manifeste pour la laïcité, Éditions de l’Observatoire, 2021.

[4] Expression utilisée par l’ancien premier ministre Ehud Barak en 2008.

[5] En juin 2023, l’ancienne première ministre, qui s’était permise de rappeler l’héritage pétainiste du RN, avait déjà été brutalement rabrouée par le président. Aux yeux de ce dernier, seule l’incompétence du parti lepéniste et l’inspiration gauchiste de son programme économique devaient être mises en avant.

Michel Feher

Philosophe, Fondateur de Zone Books

Notes

[1] En 2010, alors qu’elle menait campagne pour prendre la succession de son père à la tête du Front national, la future présidente du parti s’était déjà alarmée de ces « quartiers où il ne fait pas bon être femme, ni homosexuel, ni juif, ni même français ou blanc » Voir Éric Fassin, « Pourquoi marine Le Pen défend les femmes, les gays, les juifs… », Libération, 20 décembre 2010.

[2] « Nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme », déclare alors le chef de l’État, en présence de Benyamin Netanyahou.

[3] Gérald Darmanin, Séparatisme islamiste. Manifeste pour la laïcité, Éditions de l’Observatoire, 2021.

[4] Expression utilisée par l’ancien premier ministre Ehud Barak en 2008.

[5] En juin 2023, l’ancienne première ministre, qui s’était permise de rappeler l’héritage pétainiste du RN, avait déjà été brutalement rabrouée par le président. Aux yeux de ce dernier, seule l’incompétence du parti lepéniste et l’inspiration gauchiste de son programme économique devaient être mises en avant.