Numérique

Haine en ligne : de l’insulte à la remise en cause de la démocratie

Politiste

La haine en ligne semble être partout, mais savons-nous la reconnaître ? Si le conflit et la critique sont inhérents au débat démocratique, la haine construit l’autre comme une menace à éliminer. À l’heure où les plateformes numériques acquièrent un pouvoir d’influence politique considérable, l’inexorable dégradation des liens de confiance entre gouvernants et gouvernés représente un risque démocratique majeur, sur lequel la haine s’appuie chaque jour un peu plus.

Les références à la haine sont désormais légion dans le discours politique. La stratégie visant à délégitimer un adversaire politique en le qualifiant de haineux ou en l’accusant d’attiser la haine est banalisée. Ces procédés entraînent des dérives qui demandent une analyse politique précise de la haine en démocratie. Vincent Martigny, professeur en science politique, le mentionne clairement lors d’un débat télévisé il y a peu : « Nous-mêmes en tant que commentateurs, on devrait faire attention au terme de haine […] À force de parler de haine entre forces politiques, qui à mon avis n’ont pas de haine les unes vis-à-vis des autres contrairement à ce qu’elles mettent en scène, on donne l’idée que nous-mêmes sommes légitimes à haïr nos politiques[1]. »

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Le phénomène de haine en ligne, sur les réseaux sociaux, joue un rôle d’épouvantail dans le débat public. Il est mentionné pour qualifier une myriade de comportements violents, qui ne relèvent pas nécessairement d’actes de haine. S’impose donc un travail précis pour définir ce que nous entendons par haine, comment la situer et la distinguer de la violence et de l’agressivité. La singularité de la haine se trouve certainement dans sa radicalité, qui s’exprime par une volonté de destruction ou de mise à distance d’un objet jugé menaçant pour notre existence même. Le réceptacle, qui est aussi victime, de cette haine, peut être un individu, un groupe social ou une personne morale comme l’État. Dans l’espace numérique, les cibles potentielles sont plus nombreuses, et les occasions et possibilités d’exprimer de la haine en ligne sont facilitées par la structure même de ces nouveaux espaces.

Un des éléments explicatifs de cette prolifération de haine sont les conditions de construction d’une relation de confiance elles aussi bouleversées par la numérisation de nos échanges et de la vie politique. De fait, la dimension physique, et non numérique, de la relation, est primordiale à l’établissement du lien de confiance. L


[1] 14 % des Français ont confiance dans les partis politiques, En Société, du 15 décembre 2024.

[2] « En qu(o)i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? », Premiers résultats du baromètre de la confiance politique, Vague 15-Février 2024.

[3] Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie : la politique à l’âge de la défiance, Éditions Points, 2014.

[4] François Jost, Médias : sortir de la haine ?, Éditions CNRS, Paris, 2020.

[5] Se référer ici à l’ouvrage Toxic Data : Comment les réseaux manipulent nos opinions de David Chavalarias, Flammarion, Coll. Essais, 2022.

[6] Jean-Louis Missika, Henri Verdier, Le business de la haine : internet, la démocratie et les réseaux sociaux, Éditions Calmann Lévy, Liberté de l’esprit, Paris, 2022, p. 93.

[7] Pierre Rosanvallon, Ibid.

Tom Husson

Politiste, Doctorant au Centre d’études et de recherches en sciences administratives et politiques (CERSA) de Université Panthéon-Assas

Mots-clés

Démocratie

Notes

[1] 14 % des Français ont confiance dans les partis politiques, En Société, du 15 décembre 2024.

[2] « En qu(o)i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? », Premiers résultats du baromètre de la confiance politique, Vague 15-Février 2024.

[3] Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie : la politique à l’âge de la défiance, Éditions Points, 2014.

[4] François Jost, Médias : sortir de la haine ?, Éditions CNRS, Paris, 2020.

[5] Se référer ici à l’ouvrage Toxic Data : Comment les réseaux manipulent nos opinions de David Chavalarias, Flammarion, Coll. Essais, 2022.

[6] Jean-Louis Missika, Henri Verdier, Le business de la haine : internet, la démocratie et les réseaux sociaux, Éditions Calmann Lévy, Liberté de l’esprit, Paris, 2022, p. 93.

[7] Pierre Rosanvallon, Ibid.