Les deux globalisations terrestres
«L’urbain manifeste aujourd’hui son énormité, déconcertante pour la réflexion, l’action et même l’imagination. Sens et fin de l’industrialisation, la société urbaine se forme en se cherchant et oblige à reconsidérer la philosophie, l’art et la science qui ne peuvent éviter la confrontation avec cet objet nouveau. Ce qui oblige à concevoir une stratégie de la connaissance inséparable de la stratégie politique. »
C’est ainsi qu’Henri Lefebvre présentait son objet d’étude sur la quatrième de couverture du livre Le Droit à la ville, publié en 1968. Henri Lefebvre, alors que le phénomène d’urbanisation généralisée se mettait tout juste en place, saisit que ce qu’il s’enclenchait n’était pas une simple évolution tendancielle qui prolongerait la croissance des villes industrielles européennes et des États-Unis. Il multiplie les articles et les interventions qui seront rassemblés dans une série d’ouvrages audacieux et marquants[1].

Lefebvre est un des tous premiers à comprendre que l’humanité vient d’entrer dans une phase historique, où une réalité nouvelle encore embryonnaire va peu à peu se généraliser à l’échelle globale. Comme il l’explique au tout début de La Révolution urbaine : « Nous partirons d’une hypothèse, l’urbanisation complète de la société […]. Nous appellerons “société urbaine” la société qui résulte de l’urbanisation complète, aujourd’hui virtuelle, demain réelle. […] De même, on désignera, par la suite, en se servant des mots “révolution urbaine”, l’ensemble des transformations que traverse la société contemporaine. »
Plus de cinquante ans après l’écriture de ces lignes, nous pouvons chaque jour constater à quel point l’entièreté de la Terre et toutes les sociétés sont désormais configurées par l’urbanisation généralisée et ses logiques. La « révolution urbaine » post-1950 (encore en cours au demeurant, notamment en Asie, au Moyen-Orient et surtout, désormais, en Afrique) a totalement transformé la Terre et installé notre monde contemporain : u