Culture

Dépoussiérer les réserves de nos musées

Sociologue de l'art et de la culture

Ouvrir les réserves des musées aux publics, les redisposer au cœur des différentes réflexions muséales, écologiques, décoloniales, décrire les conditions concrètes de conservation des objets et les métiers concernés, sont aujourd’hui des enjeux majeurs.

À l’automne 2024 s’est tenue à Paris, à l’université Sorbonne Nouvelle, la conférence internationale « Les réserves de musée : état des lieux et nouveaux défis »[1]. L’événement a rassemblé plusieurs centaines de personnes venues du monde entier pour discuter rationalisation des espaces, logistique et rangement, nouvelles architectures, enjeux écologiques, rapport au territoire, parmi de nombreuses autres thématiques.

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La portée de l’événement peut sembler, de l’extérieur, un peu limitée – ou du moins restreinte : il s’agit, après tout, d’une rencontre spécialisée comme on en organise fréquemment, dans le monde muséal et dans de nombreux autres univers professionnels. Le Conseil international des musées (International Council of Museums, ICOM), partenaire de l’événement, compte d’ailleurs une grosse trentaine de comités nationaux et internationaux (sur l’éducation et l’action culturelles, la sécurité dans les musées, le développement des collections…) qui se réunissent régulièrement.

Mais, dans ce cas précis, la tenue de cette rencontre n’avait rien d’ordinaire. En dépit de leur rôle central dans les musées – car c’est là que sont conservées les collections quand elles ne sont pas exposées (entre 80 % et 95 % en moyenne) –, les réserves ne bénéficient, jusqu’à présent, d’aucun comité professionnel dédié. Comme l’a rappelé dans son allocution de clôture Gaël de Guichen, grande figure du monde des réserves[2], le précédent de cette conférence remonte à 1977.

À l’initiative du Français Paul Perrot, secrétaire général des musées de la Smithsonian Institution à Washington, une rencontre avait été organisée pour faire un état des réserves des musées dans le monde, et les conclusions n’étaient pas positives : lieux de stockage souvent inadaptés, encombrement des espaces, conditions climatiques (température, hygrométrie) instables, mauvais référencement des objets les rendant difficilement accessibles, absence de formation des équipes étaient autant de problèmes pa


[1] L’organisation de la conférence a été pilotée par François Mairesse, muséologue et professeur à l’université Sorbonne Nouvelle.

[2] Ingénieur de formation, Gaël de Guichen a commencé sa carrière à Lascaux à la fin des années 1960, où il a notamment étudié l’impact de la présence des visiteurs sur la conservation de la grotte. Fer de lance du développement du champ de la conservation préventive (soit l’ensemble des mesures prises par anticipation pour lutter contre la dégradation des objets), il est connu pour avoir ensuite fondé le programme Re-Org, formation aux bonnes pratiques du rangement des collections en réserves.

[3] Soit Chenue, Bruynzeel, Goppion et ArtStore. Pour une histoire du développement de ce marché, à travers l’histoire de la société Chenue en particulier, je renvoie à Tiziana Nicoletta Beltrame et Yaël Kreplak, « La Logistique de l’art à travers les siècles. Les savoir-faire de la maison Chenue », Les Réserves des musées. Écologies des collections (dir. Tiziana Nicoletta Beltrame et Yaël Kreplak), Les Presses du réel, 2024, p. 143-156.

[4] Le Depot, structure cylindrique entièrement vitrée, a été dessiné et construit juste à côté du musée par l’agence MVRDV.

[5] Je synthétise et reformule ici les termes de la définition des musées de France, en y associant des éléments de la dernière définition approuvée par l’ICOM en 2022. La définition des missions des musées fait en effet l’objet de révisions régulières, ce qui ne va pas sans occasionner, parfois, de réels conflits d’interprétation de ce que doit être le rôle de ces institutions.

[6] Pour reprendre les termes d’Annie Caubet, directrice du département des Antiquités orientales du Louvre, dans Les Réserves dans les musées, actes du colloque international du 19 et 20 septembre 1994, Musée national des techniques/Conservatoire national des arts et métiers, 1994, p. 102-113.

[7] En l’occurrence, le Musée du quai Branly – Jacques Chirac est connu, dans le monde des musées, pour avoir fait le choi

Yaël Kreplak

Sociologue de l'art et de la culture, Membre associée au CEMS (EHESS/CNRS), chargée de recherche au CERLIS, chercheuse associée à l’Ecole supérieure d’art d’Avignon et à la Haute école des arts du Rhin

Notes

[1] L’organisation de la conférence a été pilotée par François Mairesse, muséologue et professeur à l’université Sorbonne Nouvelle.

[2] Ingénieur de formation, Gaël de Guichen a commencé sa carrière à Lascaux à la fin des années 1960, où il a notamment étudié l’impact de la présence des visiteurs sur la conservation de la grotte. Fer de lance du développement du champ de la conservation préventive (soit l’ensemble des mesures prises par anticipation pour lutter contre la dégradation des objets), il est connu pour avoir ensuite fondé le programme Re-Org, formation aux bonnes pratiques du rangement des collections en réserves.

[3] Soit Chenue, Bruynzeel, Goppion et ArtStore. Pour une histoire du développement de ce marché, à travers l’histoire de la société Chenue en particulier, je renvoie à Tiziana Nicoletta Beltrame et Yaël Kreplak, « La Logistique de l’art à travers les siècles. Les savoir-faire de la maison Chenue », Les Réserves des musées. Écologies des collections (dir. Tiziana Nicoletta Beltrame et Yaël Kreplak), Les Presses du réel, 2024, p. 143-156.

[4] Le Depot, structure cylindrique entièrement vitrée, a été dessiné et construit juste à côté du musée par l’agence MVRDV.

[5] Je synthétise et reformule ici les termes de la définition des musées de France, en y associant des éléments de la dernière définition approuvée par l’ICOM en 2022. La définition des missions des musées fait en effet l’objet de révisions régulières, ce qui ne va pas sans occasionner, parfois, de réels conflits d’interprétation de ce que doit être le rôle de ces institutions.

[6] Pour reprendre les termes d’Annie Caubet, directrice du département des Antiquités orientales du Louvre, dans Les Réserves dans les musées, actes du colloque international du 19 et 20 septembre 1994, Musée national des techniques/Conservatoire national des arts et métiers, 1994, p. 102-113.

[7] En l’occurrence, le Musée du quai Branly – Jacques Chirac est connu, dans le monde des musées, pour avoir fait le choi