La mobilisation électorale des femmes à la Libération – 1945, la seconde universalité du suffrage (2/2)
Faute de documentation et d’études sur la structure sociologique des non-inscriptions, il s’avère difficile de documenter la mobilisation, très orchestrée par de nombreux rappels et par la prorogation répétée des délais d’inscription. Il est possible, en revanche, de comprendre comment s’est faite la mobilisation individuelle et collective qui a abouti au premier vote « vraiment universel ».

Un détour s’impose toutefois par une question incongrue. Des femmes sont devenues résistantes et des décennies de militantisme féminin/féministe n’ont pas été subitement effacées par les années de guerre. Il n’empêche, les femmes ont été soumises sous Vichy à des entreprises de régression vers l’habitus féminin multi-séculaire. Francine Muel-Dreyfus[1] a souligné avec force comment les théoriciens et les promoteurs de la Révolution nationale s’étaient employés à construire pendant quatre années un « éternel féminin » auquel contribuèrent en majorité des hommes : protagonistes administratifs et politiques du régime (notamment le Commissariat à la famille), Église de France, « entrepreneurs en mères au foyer » (essayistes, ecclésiastiques, pédagogues, médecins, cercles, ligues et associations parfois peuplées de femmes qui se reconnaissaient dans cette distribution des rôles).
Produisant un familo-centrisme destiné à lutter contre les individualismes délétères par la sanctuarisation et l’exaltation de ce « groupe naturel », un quadrillage législatif se traduisit par une surabondance de textes juridiques consacrés à « la Famille » au service d’une redéfinition éternalisante et régénératrice de la place « sacrificielle » des femmes dans la division sociale genrée du travail : repli sur l’intime, rôle magnifié de la femme, mère, procréatrice au foyer et auxiliaire du chef de famille, le « vrai homme » pour soi et pour sa femme. L’ordre viril devait en sortir régénéré tout comme l’ordre « naturel » féminin devait, en miroir, être doté de qualités spécifiques : « affection, t