Numérique

Désextinction : le besti(A.I.)re qui repeuple Internet

Artiste, doctorante en design et architecture

Des images générées par IA d’animaux marins sauvés par des humain.e.x.s peuplent les réseaux sociaux. Ces créatures synthétiques sont-elles la marque d’un renouvellement des imaginaires coloniaux de l’exploration, de fantasmes humains de création de la vie au détriment de la faune existante, ou au contraire la possibilité d’un rappel à nos responsabilités humaines face à l’extinction des espèces ?

Près de 99,5 % de la biodiversité a disparu au cours de l’histoire de la Terre. Si ces extinctions font partie du cycle de la vie terrestre – leur rythme s’est particulièrement accéléré. Dans ce contexte de disparition et de perte, l’entreprise états-unienne Collosol Biosciences s’est lancée dans un programme ambitieux de « désextinction » qui a récemment permis de ressusciter le « Dire Wolf ». Alors que cette espèce a disparu il y a 12 500 ans, trois louveteaux viennent de renaître en avril 2025. Grâce aux développements des technologies de manipulation génétique et de reconstruction d’ADN, cette société a pour projet de « reconstruire l’ADN d’une mégafaune perdue et d’autres créatures qui ont eu un impact positif sur les écosystèmes fragiles ». Alors que les politiques écocidaires se multiplient, cette privatisation du patrimoine génétique terrestre au profit d’une entreprise privée détonne : quel(s) monde(s) avons-nous à offrir à ces bêtes ressuscitées ?

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Il est difficile de traduire « Dire Wolf » en français. Son nom latin ne charrie pas tout l’imaginaire de ce loup originaire d’Amérique du Nord, auquel la traduction courante de « loup-garou » rend davantage justice. Que ce soit sur la croûte terrestre ou dans les flux de contenu d’Internet qui s’y superposent, les monstres sont de retour. En 2024, la vidéo d’un chat-hybride avec de nombreuses pattes et se déplaçant comme une araignée, est devenue virale sur la plateforme TikTok. Le texte qui surtitre la vidéo indique : « Chernobyl Reactor Corridor. 27th October 2024 ». La figure du monstre rampant dans les ruines des catastrophes technologiques cristallise d’anciennes angoisses de mutations et de contaminations.

La collision des activités humaines avec les milieux techniques et non-humains produit une réduction de la zone d’habitabilité de la Terre. Cette promiscuité oblige les espèces à s’hybrider et à mélanger leurs ADN pour mutualiser leurs chances de survie. Sur Internet, ce sont les créatures algo


[1] Matthew Sparkes, « Why do AIs keep creating nightmarish images of strange characters? », New Scientist, 13/09/2022.

[2] James Briddle, « The stupidity of AI », The Guardian, 16/03/2022.

[3] Nicolas Nova, Persistance du merveilleux Le petit peuple de nos machines, Premier Parallèle, 2024.

[4] Valentina Tanni, Vibes, Lore, Core, Esthétique de l’évasion numérique, Audimat Éditions, 2025.

[5] Erich Hörl, Critique of Environmentality. On the World-Wide Axiomatics of Environmentalitarian Time, Berlin, Diaphanes, 2021.

[6] Bjørn Nansen et Jessica Balanzategui, « Visual tactility: ‘Oddly satisfying’ videos, sensory genres and ambiguities in children’s YouTube », Convergence, 2022.

[7] Tiffany Lethabo King, The Black Shoals: Offshore Formations of Black and Native Studies, Duke University Press, 2018.

[8] Grégory Chatonsky, « Chiralité/Chirality », 12/2024.

[9] Ben A. Minteer, Extinction, De-Extinction, and the Ethics of Conservation, Columbia University Press, 2018. Merci à Romain Noël qui m’a mis sur la piste de cet ouvrage important grâce à son article « Une science mélancolique », Critique, 2019/1, n° 860-861, 2019, p. 136-150.

[10] Filippo Del Lucchese et Laurent Bove, « Tératopolitique : récits, histoire, (en)-jeux », Multitudes, 33(2), p. 19-24, 2008.

[11] Joanna Zylinska, « L’animisme de l’ombre dans l’intelligence artificielle », dans A. Ackerman, A. Gefen, A.Somaini, P. Viewing dir., Le Monde selon l’IA, Jeu de Paume/JBE Books, 2025.

[12] Astrida Neimanis, Bodies of Water: Posthuman Feminist Phenomenology, Bloomsbury, 2017.

[13] Valentina Tanni, Vibes, Lore, Core, p. 197.

Eloïse Vo

Artiste, doctorante en design et architecture, Doctorante à l'EPFL/ALICE à Lausanne et à la Hes-So HEAD à Genève

Mots-clés

IA

Notes

[1] Matthew Sparkes, « Why do AIs keep creating nightmarish images of strange characters? », New Scientist, 13/09/2022.

[2] James Briddle, « The stupidity of AI », The Guardian, 16/03/2022.

[3] Nicolas Nova, Persistance du merveilleux Le petit peuple de nos machines, Premier Parallèle, 2024.

[4] Valentina Tanni, Vibes, Lore, Core, Esthétique de l’évasion numérique, Audimat Éditions, 2025.

[5] Erich Hörl, Critique of Environmentality. On the World-Wide Axiomatics of Environmentalitarian Time, Berlin, Diaphanes, 2021.

[6] Bjørn Nansen et Jessica Balanzategui, « Visual tactility: ‘Oddly satisfying’ videos, sensory genres and ambiguities in children’s YouTube », Convergence, 2022.

[7] Tiffany Lethabo King, The Black Shoals: Offshore Formations of Black and Native Studies, Duke University Press, 2018.

[8] Grégory Chatonsky, « Chiralité/Chirality », 12/2024.

[9] Ben A. Minteer, Extinction, De-Extinction, and the Ethics of Conservation, Columbia University Press, 2018. Merci à Romain Noël qui m’a mis sur la piste de cet ouvrage important grâce à son article « Une science mélancolique », Critique, 2019/1, n° 860-861, 2019, p. 136-150.

[10] Filippo Del Lucchese et Laurent Bove, « Tératopolitique : récits, histoire, (en)-jeux », Multitudes, 33(2), p. 19-24, 2008.

[11] Joanna Zylinska, « L’animisme de l’ombre dans l’intelligence artificielle », dans A. Ackerman, A. Gefen, A.Somaini, P. Viewing dir., Le Monde selon l’IA, Jeu de Paume/JBE Books, 2025.

[12] Astrida Neimanis, Bodies of Water: Posthuman Feminist Phenomenology, Bloomsbury, 2017.

[13] Valentina Tanni, Vibes, Lore, Core, p. 197.