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Dans le sillage du paléolibertarianisme, les Apocalypse Nerds

Journaliste

À travers le projet de Donald Trump de « dynamiser » Gaza pour la transformer en zone florissante au profit de la souveraineté entrepreneuriale, comme dans la tendance des oligarques de la Silicon Valley à voir la démocratie comme un logiciel périmé, ressurgit la pensée de l’économiste Hans-Hermann Hoppe, l’un des théoriciens du libertarianisme autoritaire que le technofascisme met au jour.

Avec quelle paire de lunettes lire le « plan global pour mettre fin au conflit à Gaza », annoncé en fanfare par Donald Trump fin septembre ? Il y a ceux qui verront le verre à moitié plein : le 8 octobre, Israël et le Hamas ont accepté de signer la première phase du document, qui prévoit un cessez-le-feu et la libération des otages retenus dans l’enclave ainsi que celle des prisonniers administratifs palestiniens.

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Et puis il y a les autres, attentifs aux vingt points du plan américain. Sans indiquer de calendrier, celui-ci prévoit de transformer Gaza en « zone économique spéciale, avec des droits de douane préférentiels et des taux d’accès à négocier avec les pays participants » (point 11), inspirée de « certaines des villes modernes florissantes du Moyen-Orient » (point 10). Mais aussi d’y installer une « autorité transitoire technocratique et apolitique », placée sous la supervision d’un « Conseil de la paix », présidé par Donald Trump lui-même, qui « définira le cadre et gérera le financement de la reconstruction de Gaza jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne ait terminé son programme de réformes » (point 9).

Cette feuille de route a déjà été fantasmée par Benjamin Netanyahou : en 2024, le bureau du Premier ministre a planché sur « Gaza 2035 », un document de neuf pages qui traçait les contours d’une zone économique spéciale sise entre Gaza, le port égyptien d’al-Arish et la ville israélienne de Sderot. Dans une vue d’artiste élaborée grâce à l’intelligence artificielle, on pouvait y entrevoir le projet de l’État hébreu : une langue de terre prospère, parsemée de gratte-ciels que ceinturent des terres arables et des supertankers. Le peuple, lui, y était invisible, tout comme il manquait au business plan élaboré en 2020 par Jared Kushner, le gendre de Donald Trump. « Peace to Prosperity » (de la paix à la prospérité) prévoyait lui aussi d’ériger un gigantesque complexe immobilier sur ce territoire de 365 km².

À ces égards, le programme gazaoui du présid


[1] Sébastien Caré, « Le paléolibertarianisme aux États-Unis : genèse, doctrine et stratégie d’un hypolibéralisme hyperconservateur », Revue française d’histoire des idées politiques, n° 61, 1er semestre 2025.

[2] Le politique est à entendre ici au sens de Carl Schmitt (Das politische), soit le lieu de la confrontation et de la distinction entre ami et ennemi, par opposition à la politique – le jeu ordinaire du pouvoir, des élections et des institutions, qu’il répudie.

[3] Quinn Slobodian, Le Capitalisme de l’apocalypse, Seuil, 2025 ; Hayek’s Bastards, The Neoliberal Roots of the Populist Right, Allen Lane, 2025.

Olivier Tesquet

Journaliste

Mots-clés

Extrême droiteIA

Notes

[1] Sébastien Caré, « Le paléolibertarianisme aux États-Unis : genèse, doctrine et stratégie d’un hypolibéralisme hyperconservateur », Revue française d’histoire des idées politiques, n° 61, 1er semestre 2025.

[2] Le politique est à entendre ici au sens de Carl Schmitt (Das politische), soit le lieu de la confrontation et de la distinction entre ami et ennemi, par opposition à la politique – le jeu ordinaire du pouvoir, des élections et des institutions, qu’il répudie.

[3] Quinn Slobodian, Le Capitalisme de l’apocalypse, Seuil, 2025 ; Hayek’s Bastards, The Neoliberal Roots of the Populist Right, Allen Lane, 2025.