Société

L’emprise matérielle de l’urbanisation généralisée

Géographe

L’urbain est devenu le nouveau « milieu » planétaire de l’existence. La globalisation de l’économie, la concentration des pouvoirs, en sont largement redevables. Et l’espace matériel urbanisé, via la propriété foncière et immobilière, est devenu le générateur principal de la richesse. Or, ce matériel ainsi stocké, transformé et acheminé a pris des proportions démesurées – alors que nous n’avons pas les moyens terrestres d’une économie qui repose sur une croissance permanente et illimitée.

L’urbain est devenu le nouveau « milieu » planétaire de l’existence. La globalisation de l’économie, la concentration des pouvoirs, en sont largement redevables. Et l’espace matériel urbanisé, via la propriété foncière et immobilière, est devenu le générateur principal de la richesse. Or, ce matériel ainsi stocké, transformé et acheminé a pris des proportions démesurées – alors que nous n’avons pas les moyens terrestres d’une économie qui repose sur une croissance permanente et illimitée.

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Nous, « homo urbanus[1] » du XXIe siècle, ne sommes plus les mêmes humains que nos prédécesseurs et nous n’habitons pas la même Terre, en raison d’un fait massif : l’urbain est devenu le nouveau « milieu » planétaire de l’existence humaine, au sein duquel chaque individu co-habite avec les autres et avec les entités non humaines ; un milieu avec lequel notre espèce tout entière co-évolue — comme elle a toujours co-évolué avec les milieux qu’elle a installés dans l’histoire ; un milieu, à la fois observable à l’échelle globale du Monde et à celles de tous les lieux qui s’y inscrivent, qui est un « produit », au sens développé par Henri Lefebvre dans La Production de l’espace[2]. En effet, l’espace géographique, celui de nos vies individuelles et sociales, n’a rien de « donné », il est produit par les actions humaines, il constitue une condition de possibilité de l’existence pour chacun et assure la possibilité pour la société de fonctionner et de se reproduire.

Là où atterrissent les activités économiques

Cette approche reste pertinente pour examiner l’importance des bouleversements de la matérialité de nos habitats humains que l’urbanisation planétaire provoque et pour bien saisir que celle-ci s’avère un processus inséparable de la mise en place d’une économie elle aussi de plus en plus globalisée, dont les ressorts sont toujours liés aux phénomènes urbains. Pour le dire autrement, la globalisation de l’économie contemporaine est intrinsèquement liée à l’urbanisation du


[1] Cf. Thierry Paquot, Homo urbanus. Essai sur l’urbanisation du monde et des mœurs, Éditions du Félin, 1990.

[2] Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Anthropos, 4e édition, 2000, p. 102

[3] Après la ville. Défis de l’urbanisation planétaire, Le Seuil, 2025, p. 8.

[4] Karl Polanyi, La Subsistance de l’homme : la place de l’économie dans l’histoire et la société, Flammarion, 2011.

[5] Karl Polanyi, La Grande transformation, Gallimard, 1983 [1944].

[6] Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le crash financier le plus notable observé depuis 1950 fut celui de 2008, lié au défaut de paiement des intervenants sur le marché des subprimes, destiné à solvabiliser la croissance périurbaine aux États-Unis et à fournir des gains importants aux investisseurs.

[7] Qui avait été évaluée à 1,1 terratonne par des membres de cette même équipe du même institut : Yinon Bar-On, Rob Phillips, Ron Milo, « The Biomass Distribution on Earth », PNAS, 115, 2018.

[8] Emily Elhacham, Liad Ben-Uri, Jonathan Grozovski, et al., « Global Human-Made Mass Exceeds all Living Biomass » Nature, 588, 2020, p. 445, ma traduction.

[9] Cf. Sabine Barles, « Métabolisme urbain, transitions socio-écologiques et relations ville-campagne », Pour, vol. 236, no 4, 2018.

[10] Neil Brenner et Swarnabh Ghosh, « The Monster “Within” : Capitalist Urbanization as Geometabolic Escalation », Development and Change, Wiley, 2025.

[11] Sur ces questions voir le travail fondamental d’Éric Pineault, notamment Social Ecology of Capital, Pluto Press, 2023.

[12] Cf. Michel Lussault, Cohabitons. Pour une nouvelle urbanité terrestre, Collection La couleur des idées, Les Éditions du Seuil, 2024.

Michel Lussault

Géographe, Professeur à l’Université de Lyon (École Normale Supérieure de Lyon) et directeur de l’École urbaine de Lyon

Notes

[1] Cf. Thierry Paquot, Homo urbanus. Essai sur l’urbanisation du monde et des mœurs, Éditions du Félin, 1990.

[2] Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Anthropos, 4e édition, 2000, p. 102

[3] Après la ville. Défis de l’urbanisation planétaire, Le Seuil, 2025, p. 8.

[4] Karl Polanyi, La Subsistance de l’homme : la place de l’économie dans l’histoire et la société, Flammarion, 2011.

[5] Karl Polanyi, La Grande transformation, Gallimard, 1983 [1944].

[6] Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le crash financier le plus notable observé depuis 1950 fut celui de 2008, lié au défaut de paiement des intervenants sur le marché des subprimes, destiné à solvabiliser la croissance périurbaine aux États-Unis et à fournir des gains importants aux investisseurs.

[7] Qui avait été évaluée à 1,1 terratonne par des membres de cette même équipe du même institut : Yinon Bar-On, Rob Phillips, Ron Milo, « The Biomass Distribution on Earth », PNAS, 115, 2018.

[8] Emily Elhacham, Liad Ben-Uri, Jonathan Grozovski, et al., « Global Human-Made Mass Exceeds all Living Biomass » Nature, 588, 2020, p. 445, ma traduction.

[9] Cf. Sabine Barles, « Métabolisme urbain, transitions socio-écologiques et relations ville-campagne », Pour, vol. 236, no 4, 2018.

[10] Neil Brenner et Swarnabh Ghosh, « The Monster “Within” : Capitalist Urbanization as Geometabolic Escalation », Development and Change, Wiley, 2025.

[11] Sur ces questions voir le travail fondamental d’Éric Pineault, notamment Social Ecology of Capital, Pluto Press, 2023.

[12] Cf. Michel Lussault, Cohabitons. Pour une nouvelle urbanité terrestre, Collection La couleur des idées, Les Éditions du Seuil, 2024.