Art

Qui a peur de Raymond Duncan ?

Critique d'art

Frère de la danseuse Isadora Duncan, autoproclamé philosophe, poète, artiste et dramaturge, Raymond Duncan a créé à Paris, au début des années 1930, une Académie d’un genre bien particulier, une utopie concrète inspirée de la Grèce antique et sur laquelle il régnait en despote. Une exposition d’art contemporain interroge cette expérience singulière.

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C’est une exposition au conditionnel que nous livre la Villa Vassilieff, tant l’histoire résiste à se livrer. Celle d’un américain, Raymond Duncan, qui, au début du XXe siècle, fonda une école, l’Akademia, en même temps qu’une communauté mêlant l’art, la vie et le travail. De cette expérience qui dura pas loin de soixante ans, il n’en reste que des bribes d’informations éparpillées dans des bibliothèques, musées et universités de France, des États-Unis, d’Angleterre et de Lettonie, ainsi que des témoignages d’une poignée d’héritiers qui réussit à extirper des ventes quelques uns des ouvrages produits – peintures, textiles, objets artisanaux – et dont un échantillon nous est présenté Villa Vassilieff par deux commissaires, Solvita Krese et Inga Lāce, qui s’en iront bientôt déployer le projet, qui réunit aussi pour l’occasion les œuvres inédites d’artistes contemporains, dans leur lieu d’art de Riga, le Latvian Center for Contemporary Art.

Au demeurant tout est séduisant. L’Akademia charrie les grandes idées d’utopie, de pédagogie alternative et de communauté socialiste, anti-capitaliste, anti-industrielle, anti-coloniale. Sauf qu’à regarder de plus près dans ces archives trouées subsistent beaucoup de questions, quant au déroulement spécifique de l’affaire, son fonctionnement économique et sa gouvernance, pilotée par Sieur Duncan, tout à la fois tisserand, poète, imprimeur, danseur, orateur, peintre, cordonnier, sculpteur, philosophe, acteur, journaliste, professeur, menuisier et éditeur, c’est tout à son honneur, mais on ajoutera : trublion excentrique, plein de rêves communautaires et de mégalomanie mêlés.

Pour tenter d’en comprendre les fondements, rembobinons un instant. Originaire du bord de mer d’Oakland en Californie, le clan des quatre frères et sœurs Duncan est élevé par une mère pianiste et partisane d’une éducation nouvelle (le père banquier est globalement absent). Les chérubins sont biberonnés aux textes d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, a


Mathilde Villeneuve

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