Régis Jauffret, la terreur et la pitié
À l’heure où triomphent les bons sentiments à l’égard des victimes et l’usage du roman comme arme de dénonciation, les écritures du soin et celles de la consolation, la cruauté n’est pas le sentiment le plus à la mode. Si son goût des faits divers (l’affaire DSK dans La Ballade de Rikers Island, le meurtre d’Édouard Stern dans Sévère, la séquestration et le viol de l’Autrichienne Elisabeth Fritzl dans Claustria) le rapproche de ses contemporains assoiffés de réel, il reste, de fait, bien difficile de faire de Régis Jauffret un écrivain mainstream. Préférant l’imaginaire du criminel à l’enquête policière, miniaturiste lorsque l’heure est aux grandes formes, styliste à un moment où prédominent les écritures blanches, effacé alors que la mode est à l’exposition de l’auteur, déterminé dans un temps d’expérimentations, Régis Jauffret nage à contre-courant.
Arpenteur inlassable des vices humains, ayant fait le choix de traverser à rebours l’Achéron pour nous mener en enfers à chacun de ses livres depuis vingt ans, Régis Jauffret n’est jamais meilleur que lorsqu’il s’agit de fantasmer l’inceste (Claustria), le sadisme (Sévère), l’anthropophagie (Cannibales), de se lover dans les mots des assassins et des monstres. Persévérant depuis Asile de fous et Univers, univers dans une exploration singulière de la folie et du mal, l’écrivain s’attache à dépeindre les dysfonctionnements de nos âmes, l’absurdité métaphysique de nos petites existences, en descendant au plus près des dérèglements du sens et des malaises : faire entendre la parole des marginaux et des cinglés, introduire de la sauvagerie dans la vie ordinaire, explorer par le langage les asiles et les prisons communs, perturber notre optimisme naïf, telles sont les missions pénibles et poignantes que s’est assignées l’auteur d’Histoire d’amour (qui met en scène le monologue d’un violeur) en sollicitant jusqu’au masochisme et au dégoût son lecteur.
C’est que Régis Jauffret va à l’encontre de toute idée simple de