L’image contre le théâtre, tout contre
La présence de l’image projetée sur les plateaux de théâtre n’est pas nouvelle (elle remonte même historiquement aux années 1920) et elle a depuis longtemps quitté le champ de l’avant-garde, mais elle a pris une portée particulière avec l’essor, dans ces premières décennies du XXIe siècle, de la vidéo dite « performative », technique consistant à projeter en direct des images captées par des opérateurs au milieu de la représentation.
Si ce type d’image offre bien un nouvel espace de représentation censé apporter une visibilité supplémentaire à la performance, ajouter un point de vue délibéré à l’exposition ouverte de la scène, servir, donc, la théâtralité en l’enrichissant de potentialités inédites, ses interactions et ses frictions avec l’espace de la scène proprement dit ne sont pas sans poser problème, d’où sans doute la peine, malgré une intégration de plus en plus courante dans les pratiques, qu’a le procédé à se normaliser dans sa réception et la persistance, en France en tout cas, d’une encombrante querelle des images dans la petite communauté des gens de théâtre.
Dans les faits, cette image, forcément démesurée par rapport à une scène qui reste à échelle humaine, introduit par son ampleur un déséquilibre dans les moyens combinés de la représentation, au risque de phagocyter complètement cette dernière. Comment (pour prendre un exemple élémentaire toujours avancé et jamais résolu) la présence d’un acteur ou d’une actrice en scène parvient-elle vraiment à s’articuler à la projection concomitante de son propre visage en gros plan ?
C’est dans le contexte de ce débat qu’arrivent à Paris les deux dernières réalisations de la metteure en scène britannique, mais de réputation internationale, Katie Mitchell : Schatten (Eurydike Sagt) d’après Elfriede Jelinek (créé à la Schaubühne de Berlin le 28 septembre 2016, joué à la Colline à Paris en janvier dernier) et La Maladie de la mort d’après Marguerite Duras (créé aux Bouffes du Nord, ce 16 janvier, en tournée dans tou