Jean-Pierre Bacri joue un con
Ce n’est pas nouveau. Jean-Pierre Bacri adore jouer les cons. Lorsque je l’ai connu en 1990, sur le tournage de La Tribu, (où il jouait un con), il m’avait expliqué: « Je n’en ai rien à foutre des superhéros, des types avec un flingue, là… Moi je joue des cons, et j’essaie de trouver ce que ces cons ont de commun avec moi, ce qu’ils ont d’humain dans leur connerie ». Avec le personnage de Roussel, médecin de salon et dauphin de Georges Wilson en sosie de Jean-Marie Le Pen, il s’en était donné à cœur joie dans la veulerie et l’ambiguïté, sans jamais réussir à paraître totalement antipathique.

Le dernier con de Jean-Pierre Bacri est vraiment, vraiment con, puisque Castro ressemble, dans Place Publique, le dernier film d’Agnès Jaoui, à Thierry Ardisson, faux rebelle branché, anarcho-royaliste à plug abonné des dérapages incontrôlés aux petites heures de la nuit. Bacri s’en défend en interview, expliquant qu’il ne s’agit pas de la caricature d’un seul personnage, mais d’un type sociétal, un peu comme, dans le film, la fille de Castro, prise à partie par son père qui lui reproche de dévoiler des éléments de sa vie privée, bredouille cette excuse habituelle des romanciers pris au piège de l’autofiction, confrontés à la colère de leurs proches.
Castro est un con, donc, un con méchant, cynique, aigri, et drôle. Un vieux con, surtout, un con de 65 ans qui ronge son frein en voyant monter une génération à laquelle il ne comprend rien, et qui flique sa jeune compagne sur les applis de son smartphone.
Mais Castro, joué par Bacri, entre ici dans une longue lignée, et on songe aux autres personnages qu’il a créé en duo avec Agnès Jaoui, Georges, l’écrivain raté de Cuisine et Dépendances, Henri, le tenancier de bar d’Un Air de famille, ou Castella, le riche entrepreneur inculte du Goût des autres.
Cette histoire, ils la mûrissent depuis une vingtaine d’années. Mais peut-être fallait-il atteindre l’âge de la carte senior pour en ressortir tout le fiel.
Place Publique n’es