Devenir Judy Chicago
À la fin de l’année 1969, au California State College de Fullerton, on pouvait lire à l’entrée d’une exposition monographique féministe : « Judy Gerowitz se dépouille ici même de tous les noms qui lui ont été imposés par la domination sociale masculine et choisit de son plein gré son propre nom de Judy Chicago ». C’est elle-même qui le raconte dans son autobiographie, Through the Flower. Mon combat d’artiste femme, qui vient d’être traduit aux Presses du réel par Sophie Taam. Concurremment, la Villa Arson de Nice donne une exposition, « Los Angeles, les années cool. Judy Chicago », qui vient utilement compléter et décentrer celle que le capc avait consacrée il y a deux ans à cette figure majeure de l’art américain.

L’exposition de Nice, curatée par Géraldine Gourbe, s’intéresse en effet aux premières années de la carrière de Chicago, juste avant l’œuvre qui devait la rendre célèbre, The Dinner Party (1974-1979) : cette installation en forme de table de banquet triangulaire honore 39 femmes de l’histoire de l’humanité et porte des assiettes à motifs de vulve ou de papillon. Chicago, 78 ans, n’est guère connue en France, malgré l’exposition bordelaise de 2016. En revanche, tout Américain éduqué (on a testé in vivo, comme à notre habitude, sur un couple de septuagénaires new-yorkais croisés aux Rencontres d’Arles), connaît, outre The Dinner Party, le projet pédagogique du Feminist Art Program, créé en 1971 au California Institute of the Arts (CalArts), et dont la première manifestation fut l’exposition « Womanhouse » en 1972. On y trouvait entre autres la performance de Chicago, The Cock-Cunt Play, dont on peut voir un extrait en ligne, comme le reste des archives de « Womanhouse ». Cette hilarante pantomime s’inspire directement d’une phrase que Judy Chicago balança en 1961 dans les dents de son mari Jerry, comme elle le raconte dans son autobiographie : « Qu’est-ce qui te fait croire que comme, par un hasard biologique, je suis née avec une chatte, je suis censée ra