Littérature

Valère Novarina : Voix Négative

Chercheur en littérature et sciences sociales

Univers de personnages dépouillés de leur humanité et que seule la parole in-carne, le monde éminemment théâtral de Valère Novarina fait l’objet en août d’un grand colloque à Cerisy. L’occasion de comprendre ce que nie la « voix négative » avec laquelle VN s’exprime, et de s’émouvoir d’une œuvre théâtrale immense, sublimation de ce grand vide qu’inspire la « voix négative ».

« Novariland », « Novarilangue », « Parlez-vous le Novarina ? », « novarinien »… « ars nova ars novarina » (Sollers)… Valère Novarina fait partie de ces rares écrivains qui ont le bonheur d’habiter un monde à part, un univers dans lequel il évolue jusqu’à s’y perdre, le novarimonde, qui combine comique et tragique, lyrique et satirique, sacré et profane, savant et populaire : dans ce Verbier s’opère un extraordinaire tohu-bohu des langues, des cultures, des époques, des signifiants comme des signifiés ; dans ce creuset alchimique, la matière en perpétuelle fusion constitue une « comédie circulaire »…

 

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Cette œuvre est née d’un nom, elle le fait parler en propre. Comment ? Une ligne de Pendant la matière nous met sur la voie : « Voie Négative. V.N. La négation fut ma Béatrice » (p. 117). Si le clin d’œil à Mallarmé nous incline vers la métaphysique, la suite nous réoriente vers le carnavalesque : « nous pensons à la renverse, monde à l’envers, et tête en bas ». Son dernier livre, Voie négative précisément, est plus explicite, faisant remonter son inclinaison/inclination littéraire au printemps 1970, alors qu’il est âgé de 28 ans : « Et un jour, la même année, j’ai trouvé je ne sais plus où la phrase dont Mallarmé avait fait sa devise “La destruction fut ma Béatrice” ; j’en déduisis la mienne : “La négation fut ma Béatrice.” et je lus désormais mes initiales : Voie Négative » (p. 75).

À quoi ressemble cette Voie Négative ? Observez les logaèdres ! – tout un programme ! – nous en décline les deux dimensions antithétiques, carnavalesque et spirituelle. « La passion est une voie négative : je dois passer par la défaite de tout le théâtre humain. Toutes nos idoles sont mises têtes en bas » (p. 110). Pour l’écrivain comme pour le comédien, cette Voie Négative est une ascèse : « Je est le contraire du moi. Je réclame le vide » (p. 42). À méditer en ce temps d’individualisme et d’identitarisme… En cette époque de fermeture socioculturelle et de repli identitariste


[1] Voir le catalogue de l’exposition qui s’est déroulée au printemps 2017 au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix (Les Sables d’Olonne), paru en même temps dans le n° 132 des Cahiers de l’Abbaye Sainte-Croix.

Fabrice Thumerel

Chercheur en littérature et sciences sociales, Critique fondateur de libr-critique.com

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Notes

[1] Voir le catalogue de l’exposition qui s’est déroulée au printemps 2017 au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix (Les Sables d’Olonne), paru en même temps dans le n° 132 des Cahiers de l’Abbaye Sainte-Croix.