Littérature

Midi de Cloé Korman : le monde comme un théâtre

écrivain

Avec Midi, Cloé Korman signe un roman profondément engagé sur la cruauté des rapports humains, l’exclusion des plus vulnérables, le désir comme leurre tout autant que comme antidote, et les pouvoirs de la fiction. Un texte porté par une langue d’une grande force poétique.

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La scène se passe dans un théâtre associatif, sur les hauteurs de Marseille, au début des années 2000. À moins qu’il ne s’agisse d’un navire, en mer, il y a des siècles. Ou d’un service de médecine interne à Paris, de nos jours. Nos souvenirs sont comme du « sable lourd et visqueux ». Les perles s’y « changent en vieux mégots », la brûlure du désir en lâcheté et la lâcheté en crime – et nous ne savons pas toujours discerner le moment précis où, croyant encore voguer au large, nous étions déjà en train de faire naufrage. Midi. L’heure d’un crime exposé aux yeux de tous sans que personne ne réagisse comme il faudrait. Claire Novales est médecin dans un hôpital parisien. Un jour, un nouveau patient, admis en urgence dans son service, demande à la voir. Elle esquive, débordée. L’interne insiste, « Je sais plus quoi faire avec lui ». C’est une hépatite C, stade terminal. Ce patient n’a probablement plus que quelques jours à vivre. Sous le visage si hâve qu’on dirait « la peau d’un animal qu’on ferait sécher sur ses propres os », Claire reconnaît Dom, auprès de qui elle a, naguère, passé un été brûlant.  « Depuis le bord du lit, je regarde ses traits qui se recomposent comme les épaves gonflent leurs voiles et se chargent de rhum, d’esclaves, d’animaux fabuleux qui reprennent la mer en fendant les vagues – dans les histoires de bateaux fantômes ». Vient alors une confession en première personne, faite par Claire, et dont on comprend qu’elle est longtemps restée inarticulée et n’a donc jamais pu être racontée à quiconque. Ni la mort ni le soleil de midi ne peuvent se regarder en face. Ni bien souvent nos lâchetés et nos médiocrités. Il nous faut parfois des années pour pouvoir donner des contours à l’innommable – surtout quand il avait toutes les apparences de la joie de vivre et de la liberté.

Cloé Korman nous avait habitué à un certain niveau d’exigence. Son premier roman, Les Hommes-couleurs (Seuil, Prix du Livre Inter 2010) racontait un amour immense où d’au


Sarah Chiche

écrivain, psychologue clinicienne et psychanalyste

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