Briser la malédiction de la détestation féminine – à propos du dernier livre de Maria Pourchet
Depuis toujours, la fille court après sa mère. Elle l’attend et s’ennuie, des heures ; elle lui ramène de bonnes notes, imméritées ; elle fait comme elle dit, ne se fait pas remarquer ; elle l’appelle, pour dire quoi ? Et puis un jour, elle cesse de courir, d’attendre et d’appeler, un jour elle écrit et elle dit tout. Elle sait qu’elle blessera, elle aurait préféré nous épargner le livre, mais elle n’a pas le choix. Dans Toutes les femmes sauf une, Maria Pourchet ne s’adresse pas à sa mère, elle parle à l’enfant qui vient de naître, sa fille, Adèle. Âpre et bouleversant, son récit n’est intime qu’à la surface des pages ; on touche dans ses profondeurs à une forme d’expérience universelle, celle du désamour maternel qui peuple les rues des villes de loups et de louves affamé·e·s, les flancs creux du vide causé par la mère.

Au beau milieu des clameurs qui mettent au jour les ressorts perpétués de la domination masculine, nous entendons une voix dissonante s’élever et rappeler « la haine que les femmes vouent à leur genre ». Pour qui ne l’a pas éprouvée, pour qui n’est pas une femme sans doute, la révélation dérangera. Pour les autres, c’est comme un immense soulagement, pouvoir enfin dire la détestation intra-féminine, parler de ces agressions aussi inattendues que violentes qui laissent sidérée, incrédule. La puissance de rejet, de déni, de dégoût de leur propre sexe que les femmes transportent et reproduisent à travers les âges, la narratrice l’a reçue « en pleine gueule », dès la petite enfance, la parole dévastatrice de celle qui ne veut pas parler d’amour.
Ainsi condensée, jetée dans notre gueule à nous, la parole maternelle donne la nausée, on en douterait presque.
Quel que soit le sujet, les mots sont prononcés pour détruire. Rien de ce que fait la fille n’ira jamais, des copies excellentes dont la mère se saisit pour les renoter, « des bonnes notes au rabais, pour moi ça vaut rien », jusqu’au premier livre qu’elle va là encore corriger, « c’est pas poétique,