Coetzee & Costello – à propos de L’Abattoir de verre
La grandeur est souvent simple, en matière de littérature, et savante sous ses airs de rien. Grandeur de la littérature, fausse modestie d’un style parfait : c’est bien de cela qu’il s’agit, avec J.M. Coetzee, dans une sorte d’épurement supplémentaire encore, puisque l’écrivain sud-africain, installé en Australie, semble avoir atteint, à près de 80 ans, une liberté laconique sans égale. L’Abattoir de verre, son dernier livre qui paraît aujourd’hui en traduction française, en impose : à peine plus d’une centaine de pages, mais qu’on lit comme on relirait d’emblée un classique (un Russe, par exemple : du Tolstoï bref, amer à point, un thé). Densité noire, art de la coupe, anti-clichés : si le Prix Nobel de littérature a pu jamais avoir un sens, c’est bien quand il fut attribué à J. M. Coetzee, en 2003.
L’Abattoir de verre est un livre sans désignation de genre, composé de sept « nouvelles » qui forment un ensemble cohérent et problématique, dont la saveur âcre tient précisément à l’indécision de leur réunion : il y a entre ces textes des ellipses, des liens, des doutes, la chronologie n’en étant pas explicite, ni même le statut qui en ferait un « roman » en morceaux : composés à des dates diverses, ils pourraient se lire chacun comme une pièce se justifiant seule, à la façon par exemple des magnifiques Trois histoires publiées en recueil en 2016. Ces textes pourtant font bloc, dans la communauté de leur style et la figure qui y passe, parfois nommée, d’autres fois simplement suggérée, d’Elizabeth Costello.
Ce personnage fictif d’écrivaine australienne est une drôle de dame qui a eu droit déjà à un livre entier (Elizabeth Costello, 2004), dont le dispositif consistait en une série de conférences sur la question animale (entre autres) : un chef d’œuvre d’ironie et d’inconfort, où l’auteur s’amusait (d’)après Kafka à ré-interroger « le problème du mal » à partir de ses propres interventions publiques, avec une sécheresse aussi jubilatoire qu’urticante, sans ré