Littérature

Arcadie ou le queer assumé d’Emmanuelle Bayamack-Tam

Critique

Dans Arcadie (P.O.L) Emmanuelle Bayamack-Tam retrouve ses personnages et interroge avec eux la construction des genres. Quand ne ressembler à rien ou plus précisément ne pas être assignable est la condition même de la désirabilité, à l’inverse de ce qui se passe dans notre monde « réel ».

Il faut le redire : les critiques sont des écrivains ratés. Parfois aussi des écrivains publiés, mais c’est une autre histoire, et pas incompatible. C’est-à-dire que le critique, au lieu de se laisser aller à la joie de lire, de se faire raconter des histoires, au lieu de se changer les idées, de se faire consoler, ne lit les livres qu’en se demandant s’il aurait pu faire pareil, comment ça fonctionne et souvent, joie terrible, en se disant qu’il aurait adoré écrire ce texte-là. Ou monter cette séquence-là, si c’est un film, trouver cet enchaînement d’accords, si c’est une chanson. Parfois il ajoute : Flaubert (ou Alice Coltrane) a tellement de talent qu’il faut lui couper les doigts.

Souvent aussi, heureusement, il se dit qu’il n’aurait jamais pensé à telle mise en scène, telle mélodie de timbres ou tel rythme de phrase, tout en comprenant exactement comment ces objets sont fabriqués : et il jubile devant cette révélation. Il a aperçu un truc autre, jamais vu ni entendu, il se réjouit qu’il y ait eu un artiste pour le mettre à jour, alors que lui, simple critique, il ne l’avait que sur le bout de la langue et s’il avait fallu attendre après lui, ça aurait pu durer mille ans. Le critique n’est donc pas qu’envieux, il sait également être reconnaissant. C’est à partir de cette triste pathologie que Barthes infère, quelque part dans La Préparation du roman (et ailleurs aussi), que le bon livre est celui qui laisse à désirer. Désirer quoi ? Au lecteur de le finir, de se glisser dans la plume de l’auteur pour parachever sa phrase ou continuer le récit à sa place. C’est à mon avis une erreur de jugement : il n’y a que les aspirants écrivains qui lisent les textes comme cela. C’est d’ailleurs pour cela que plus personne ne lit de poésie, sauf de mirliton, parce que la poésie laisse trop à désirer : prise au pied de la lettre, elle ne veut rien dire, il faut se mettre dedans et la compléter.

On excusera la barbarie de ces métaphores pénétrantes, je date du XXᵉ siècle et je


Éric Loret

Critique, Journaliste

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