L’Épopée de Marie Cosnay ou la jubilation dans la création
Des cuisiniers ouïgours, des trafiquants, la guerre en Syrie qui déstabilise tout le Proche-Orient, et une femme flic à Belleville prénommée Zelda. Et aussi une mystérieuse messagère dont on sait seulement qu’elle est sexless. Et un héron qui plane à la suite d’un beau fuyard, mais peut-être n’est-il qu’un motif imprimé au dos de son blouson. Dès les premiers paragraphes d’Épopée, le nouveau livre de l’érudite et très talentueuse Marie Cosnay, on a l’impression d’être noyé sous une avalanche. Puis les choses s’organisent, et se désorganisent, et de page en page toujours les personnages échappent au lecteur, l’intrigue se ramifie à l’infini, dans un texte construit comme un tourbillon qui concentrerait des préoccupations très actuelles.

À première vue, Épopée nous apparait comme un exercice de style. Cosnay expérimente dans la mise en page elle-même. Un dessin de héron stylisé court le long du livre, des aplats de différents textes sont juxtaposés, colonnes de paragraphes en italiques surgissant dans le corps du récit. Ainsi différents discours et types de discours cohabitent et se confrontent. À l’intrigue du roman se surajoutent des dialogues, des slogans, des flashs infos : « On entend un coup de feu. On croit en entendre dix. Le jeune homme quitte l’Hyper Casher et les flics se jettent sur lui, il explique mais on ne l’écoute pas ; très calme plus tard il dira : non, ils ne se sont pas excusés. »
Et une certitude s’installe : dans son fascinant jeu de meccano et malgré les tragédies absolues qu’elle met en scène, Marie Cosnay semble bien s’amuser.
Car on est ici dans l’expérimental, certes, mais un expérimental joyeux, débridé, et fécond. L’autrice utilise et combine des éléments de culture populaire, le polar notamment, pour construire un texte où les expérimentations formelles recouvrent, ou servent, des images poétiques aussi bien qu’un discours politiquement engagé. Cet ovni littéraire apparaît comme un grand texte sur la France d’aujourd’hui, vue à travers