Théâtre

Immersion post-mortem – à propos de Nachlass de Rimini Protokoll

critique

Que laisserez-vous après votre disparition ? C’est la question posée par Stefan Kaegi et Dominic Huber à huit personnes dûment choisies. Les réponses sont présentées au public via un dispositif de théâtre documentaire glaçant, sous le titre Nachlass, dernière production du passionnant collectif Rimini Protokoll, présentée à la MC93 de Bobigny.

Exceptionnellement, nous commencerons in medias res. Imaginez, vous sortez du métro Bobigny-Pablo-Picasso, vous longez de tristes murailles et des ponts autoroutiers sévères, jusqu’au moment où vous arrivez devant l’entrée illuminée de la Maison de la culture de Bobigny, restaurée, chaleureuse, comme avant. Des fauteuils colorés vous accueillent dès le vestibule, vaste, vous vous réjouissez de retrouver un des théâtres publics les plus audacieux de ces dernières décennies.

Vous êtes venu voir la dernière création d’un trio de metteurs en scène curieux et facétieux, berlinois à l’origine, baptisé Rimini Protokoll. Depuis toujours, soit depuis la fin des années 1990, ce petit collectif explore une veine qu’il a contribué à créer, nommée théâtre documentaire. Les personnages n’en sont pas, les acteurs sont rarement des professionnels, le texte n’est jamais pré-écrit mais composé spécifiquement pour la pièce, et les thèmes sont puisés dans une matière vivante, contemporaine, incarnée, d’où la fiction est exclue. Rien n’est improvisé. Au contraire, les pièces – comme on parle de pièces de montage – de Rimini Protokoll sont toujours conçues, dessinées et construites sur plateau avec une précision millimétrique. Le moindre détail est pensé, chaque objet présent face à vous a un sens, du moins une présence justifiée.

Voilà ce qui fait la force de ce théâtre : répliquer en miniature un aspect choisi de la vie aujourd’hui dans le monde occidental, de préférence le monde helvético-germanique dont sont issus les metteurs en scène, mais de le répliquer avec une rigueur telle que dans les interstices, entre deux mots, entre deux hochements de tête, deux objets, dans une inflexion de voix, de l’humour passe, de la pensée circule, un sentiment d’étrangeté naît face à tant de familiarité.

Pour sa dernière pièce, l’un des fondateurs de Rimini Protokoll, Stefan Kaegi, suisse et journaliste de formation, s’est associé à Dominic Huber, scénographe, afin de proposer une mise en espace s


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice