Photographie

Ana Mendieta au Jeu de Paume : par-delà nature et culture

Critique

Avec « Le temps et l’histoire me recouvrent », le Jeu de Paume présente un pan resté jusque-là marginal de l’œuvre de l’artiste cubano-américaine Ana Mendieta : ses courts films aux accents panthéistes, tournés dans les années 70 et 80. Explorant des problématiques féministes et d’autres relations au monde, ils font échos à nos préoccupations contemporaines de façon singulière.

Ce sont comme des tableaux mouvants, ces courts films qui tournent en boucle, composés le plus souvent d’un seul plan fixe : on y devine une femme, ou bien les traces de son passage furtif, discret ou enflammé. Leur simplicité, leur silence, leur innocence sont des invitations à la contemplation, à rebours de toute saturation de signes, de toute agitation superflue, de tout brouhaha tonitruant.

L’artiste cubano-américaine Ana Mendieta, malgré sa brève carrière, de 1971 à 1985, a décliné ses recherches dans une multitude de médias, explorant le dessin, les installations, la performance ou encore la sculpture. Avec « Le temps et l’histoire me recouvrent », le Jeu de Paume présente un pan resté jusque-là marginal de sa production : ces « œuvres filmées » (film works), comme elle les désignait elle-même, étaient en effet restées à la périphérie du monde de l’art. L’exposition opère donc un mouvement centripète, mettant au centre vingt films choisis parmi un vaste corpus, tournés en Super 8 ou en 16 mm, et une trentaine de photographies.

Certaines œuvres évoquent les liens de l’artiste avec le feminist art, interrogeant les questions du corps, de l’identité et du genre : parfois de façon violente, comme dans cette série intitulée Self-Portrait with Blood (1973), où elle expose son visage ensanglanté comme après un passage à tabac ; parfois en provoquant une forme d’inquiétante étrangeté. Ainsi, dans Sweating Blood, Ana Mendieta, filmée en gros plan, chose assez rare pour être remarquée, garde les paupières closes, le regard tourné vers l’intérieur. La sérénité de la composition se trouble quand, des racines de ses cheveux, commence à suinter une sueur sanglante, tandis que son expression demeure imperturbable.

Sur une autre, elle arbore une moustache fournie (Untitled – Facial Hair Transplant), évoquant par anticipation ce geste d’empowerment pratiqué désormais dans certains ateliers féministes drag king. D’autres vidéos, à l’instar de celles où elle peint une silhouett


Ysé Sorel

Critique