Agnès Varda (1928-2019)
Dès ma première rencontre avec Agnès Varda, en 1993, pour un entretien dans Les Inrockuptibles époque mensuel, j’ai su que je venais de croiser un être humain remarquable (et une artiste tout aussi remarquable, mais ça, je le savais déjà). Dans la légendaire maison rose de la rue Daguerre, la conversation avait duré, à la fois parfaitement structurée et en roue libre, très libre. Puis trouvant ma compagnie pas trop désagréable, elle m’avait invité à déjeuner au Chinois d’en face. L’interview était prévu pour à peu près une heure et quand nous nous sommes dit au revoir, nous avions passé cinq heures ensemble. J’avais le sentiment d’avoir vécu dans une postface de Daguerréotypes, et d’avoir trouvé une nouvelle amie – sentiment de proximité qui n’advient jamais quand on rencontre professionnellement un artiste pour la première fois.

Par la suite, nous n’avons certes pas passé nos week-ends ensemble mais nous avons toujours gardé le contact, amical et chaleureux, que ce soit pour d’autres entretiens, à l’occasion de rétrospectives ou de festivals, ou pour sa fameuse fête d’anniversaire de 80 ans, jour où son ami Gérard Vaugeois avait imaginé un cadeau vardissime : 80 balais, tous de modèles différents ! Balais-brosses, balais-éponges, à poils noirs ou blancs, à manches courts ou longs, balais de rue, balais à cire, balais de sorcière… occupaient tous les couloirs et recoins de la rue Daguerre en une installation aussi inventive que drôlatique. Agnès envoyait des cartes de voeux aussi créatives que ses films, s’émerveillait quand je l’appelais depuis la Pointe Courte de Sète en lui confirmant que la traverse Varda était toujours bien à sa place dans ce petit quartier-village de pêcheurs légèrement gentryfié.
Le mois dernier, sa fille Rosalie (à qui on pense très fort) m’avait demandé de remplacer Agnès pour présenter des films dans un festival à Belo Horizonte (elle était trop fatiguée et occupée pour faire ce long voyage), ce que j’ai fait sans hésiter car to