Cinéma

La diplomatie sonore – sur Le chant du loup d’Antonin Baudry

Historien

Le personnage principal du Chant du loup est le son – c’était le souhait exprimé par le réalisateur –, un son qui obsède l’esthétique de l’œuvre autant qu’il obsède les sous-mariniers. Plongé dans un sous-marin nucléaire, le film emmène le spectateur en profondeur, dans un monde d’urgences permanentes où la paix mondiale repose sur quelques militaires chargés d’accomplir des missions diplomatiques et dont l’arme la plus redoutable est l’oreille d’or. Sans morale sur des pratiques guerrières, Antonin Baudry livre un film poétique nourri de ses expériences de diplomate.

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« Subitement, le jour se fit dans le salon. Les panneaux de tôle se refermèrent. L’enchanteresse vision disparut. Mais longtemps, je rêvais encore, jusqu’au moment où mes regards se fixèrent sur les instruments suspendus aux parois. » En 1869, dans 20 000 lieues sous les mers, et bien avant les films et même les sous-marins tels que nous les connaissons, Jules Verne avait mesuré à quel point ces derniers pouvaient, par leur nature de véhicule des profondeurs sous-marines, donner accès à des spectacles sans commune mesure dont la contemplation se devait de prendre appui sur la science et la technique. Ce faisant, dans son génie littéraire, Jules Verne posait aussi les codes d’un genre particulier de récits – et singulièrement de films – les récits d’aventures de sous-marins.

Ces critères de genre se retrouvent aujourd’hui dans le film réalisé par Antonin Baudry, Le chant du loup. Le scénario du film est complexe, produisant un récit dense en péripéties et en enjeux où s’entrelacent de nombreuses lignes narratives comme autant de réponses et de variantes au sujet du sous-marin. Il y a dans ce film une esthétique du récit fugué de guerre, où, sans altérer le récit principal, la division en de nombreux points de vue n’est pas sans faire penser à La chute du faucon noir de Ridley Scott. Le film de Baudry emprunte à celui de Scott la construction en deux parties inégales : entre une première et petite mission introduisant les thèmes principaux sans les développer et une seconde partie plus ample où il les déploie.

Une des raisons de cette densité est la volonté du réalisateur, scénariste et dialoguiste, de mettre en scène le large spectre de l’action sous-marine française. Cette dernière est essentielle pour une puissance qui entend être capable de se projeter au-delà de ses frontières, c’est-à-dire qui entend jouer un rôle dans les relations internationales en même temps qu’elle refuse d’être la proie d’autres puissances qui lui imposeraient leur volonté, en p


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