L’époque, debout la nuit – sur le premier long métrage de Matthieu Bareyre
« L’époque », de épochè, arrêt – à l’orée du film, la ville en suspens, un vide suspect, comme au moment de bascule avant le petit matin. Mais l’aube restera hors champ, tandis que la nuit, le film et la ville se peupleront de visages, de rires, de larmes, de mots. Dans la nuit, Matthieu Bareyre se sent bien : déjà son premier court-métrage, au titre annonciateur, Nocturnes, dans lequel il suivait de jeunes joueurs à l’hippodrome de Vincennes, s’y déroulait.
« L’époque », arrêts sur image, extérieur nuit – des cocktails Molotov lancés derrière des poubelles ; des corps enlacés et secoués par la danse ; des visages dans l’ombre des capuches ; un bourgeois, les yeux bandés, en train de lécher un gode couvert de crème, sous le regard amusé de ses amis ; des jeunes filles, sous la pluie, qui cherchent à contrer la gravité en s’élançant sur des balançoires ; un couple d’amoureux sur un skateboard, comme dans un carrosse à ciel ouvert ; un nuit bleue, rose, jaune.
« L’époque », l’article défini désigne trois années annoncées – 2015-2016-2017 : soit la période qui sépare les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher des élections présidentielles, de janvier 2015 à mai 2017. Tourné à Paris et dans sa proche banlieue, au prisme de quelques lieux, le film cherche alors à saisir dans le disparate quelque chose de notre temps, au fil de rencontres aléatoires, dans les aléas et venus de la nuit, où le réalisateur et son preneur de son s’immergent.
L’époque fait le pari de peindre, par touches et impressions, la palette de couleurs de cette période, palette nécessairement non exhaustive, assumée comme telle, car déjà limitée aux paysages et visages de la jeunesse parisienne. Sous la lune, la caméra suspend son jugement et, curieuse, cherche les signes des temps sur les murs et les corps de ce (et ceux) qui veut bien s’offrir à elle. Ne suivant pas une progression temporelle, le montage nous maintient dans le flou et le flot urbain, pacte installé dès les premier