Littérature

Chacun a un nom — à propos d’Isaac de Léa Veinstein

Écrivaine

Riche de découvertes, de certitudes et de doutes, de fragilité mise en mouvement, Isaac, premier récit de Léa Veinstein, prend la forme d’une quête autobiographique dont l’enjeu est la recherche des multiples incarnations de ce (pré)nom nichées dans les replis de l’oubli, des non-dits d’une famille, des zones incertaines de l’histoire : quelle est l’histoire de cet arrière grand-père rabbin ayant continué à exercer le culte à Neuilly en pleine Occupation ?

Le prénom se détache sur la couverture, bref et tranchant, il semble aspirer l’espace jaune laissé vide autour de lui, je suis un prénom biblique, nous dit-il, je suis le fils qu’Abraham a ligoté sur la pierre du sacrifice après avoir chassé son fils aîné Ismaël avec sa mère dans le désert, je suis ce prénom dont la racine en hébreu signifie « rire », mais placé entre le nom de Léa Veinstein, (spécialiste de Frank Kafka), qui signe ici son premier récit et le bandeau qui esquisse la trajectoire du livre, il est un mystère. « ‘Mon arrière grand-père était rabbin.’ J’ai longtemps répété cette phrase, entendue depuis l’enfance. Je ne connaissais presque rien de lui, pas même son prénom. La mémoire familiale l’avait effacé, depuis l’Occupation. Je suis partie sur les traces de cet homme et de son histoire. »

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Ce livre, riche de découvertes, de certitudes et de doutes, de fragilité mise en mouvement, est un chemin vers un prénom qui n’est pas sans évoquer pour nous le plus célèbre poème de Zelda, l’institutrice qui marqua si profondément son élève Amos Oz :

Chacun a un nom
que lui a donné Dieu
et que lui ont donné son père et sa mère
chacun a un nom
que lui ont donné sa taille et sa manière de sourire
que lui a donné son tissu
chacun a un nom
que lui ont donné les montagnes
et que lui ont donné ses murs
chacun a un nom
que lui ont donné les signes du zodiaque
et que lui ont donné ses voisins
chacun a un nom
que lui ont donné ses péchés
et que lui ont donné ses désirs
chacun a un nom
que lui ont donné ses ennemis
et que lui a donné son amour
chacun a un nom
que lui ont donné ses fêtes
et que lui a donné sa profession
chacun a un nom
que lui ont donné les saisons
et que lui a donné sa cécité
que lui a donné la mer
et que lui a donné
la mort.[1]

C’est à la recherche des multiples incarnations de ce (pré)nom nichées dans les replis de l’oubli, des non-dits d’une famille, des zones incertaines de l’histoire que part Léa Veinstein avec sa sœur et sa cousine, durant l


[1] Traduit de l’hébreu par Esther Orner, éditions Caractères

[2] Auteur de l’enquête citée dans le livre : « Vivre la Torah en France métropolitaine sous l’Occupation ».

Valérie Zenatti

Écrivaine, Scénariste, traductrice

Rayonnages

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Notes

[1] Traduit de l’hébreu par Esther Orner, éditions Caractères

[2] Auteur de l’enquête citée dans le livre : « Vivre la Torah en France métropolitaine sous l’Occupation ».