Cohen Leonard, poète et romancier, même pas vieux
Fossilisation, momification, neutralisation. Spectacles de poésie ou de chansons en commémoration, passe encore mais lorsque la muséologie s’en mêle, cela sent le formol. Discutable pour un poète ayant brûlé sa vie, avec orgueil et modestie mêlés, à l’épreuve d’un réel parfois bienveillant, souvent cruel : « (…) pourquoi ne t’allonges-tu pas/devant la circulation féroce/de ta vie quotidienne/te faisant écraser par certains des détails ? » (p. 73 [1])
Après Montréal, la ville natale de Leonard Cohen à laquelle il n’abdiqua jamais sa fidélité, New York accueille l’exposition « A crack in everything » (expression tirée de la chanson Anthem) qui programme installations multimédia et concerts réunissant une trentaine d’artistes internationaux. Sans avoir visité l’exposition, un tel déploiement de richesses artistiques peut d’emblée donner une nausée esthétique tant l’art de Leonard Cohen se nourrissait de sa fragilité. Car si Leonard Cohen fut assurément un des plus grands artistes (romancier/poète/auteur/compositeur/ interprète) contemporains et qu’il aurait mérité le Nobel autant – sinon plus, disent certains – que son compagnon de route Bob Dylan, il ne cessait de brouiller avec grâce et détachement les cadres culturels, lui le Juif montréalais bouddhiste et résident d’honneur de l’île grecque d’Hydra : « Beethoven/and the bible & Chuck Berry/ Shakespeare/ and MGM/Farewell to/New York City/Farewell to Bethlehem » (p. 291).
Ne vaut-il mieux pas en revenir soit aux disques, soit aux livres et retrouver une voix qui, pour chacun d’entre nous, parle directement et singulièrement, ce qui est le propre des grands artistes ? L’édition française en offre l’occasion avec la réédition de ses deux premiers romans, Jeux de dames (1963) et Les perdants magnifiques (1966), et la parution de son ultime opus, posthume, The Flame (2018), colligeant poèmes, notes de carnets et dessins.
La tentation est grande de se livrer au jeu du « Que serait devenu… ? », séduisant dans le