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La littérature n’a pas de prix – à propos de Proust, prix Goncourt de Thierry Laget

Journaliste

Dans Proust, prix Goncourt, Thierry Laget raconte comment l’auteur d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs a obtenu cette consécration et la tempête qu’elle a engendrée. Car en 1919, Proust a gagné non contre un ogre littéraire, une pointure d’un plus grand calibre que lui, mais contre le favori « naturel » : Roland Dorgelès et ses Croix de bois.

« L’homme qui n’achète pas plus d’un livre par an achète le livre couronné par l’Académie Goncourt : il croit en effet que c’est le “meilleur roman de l’année” », disait, dès 1914, Valery Larbaud. Le ton goguenard de l’auteur de Fermina Márquez ne serait plus de mise aujourd’hui. La croyance en la valeur littéraire de ce prix s’appuie sur du sérieux. Du moins, si l’on en croit les voix autorisées. Par exemple, celle de François Busnel, qui s’est exprimé ainsi à propos du Goncourt : « Il y a à la fois de la qualité, et le fait que l’on puisse se plonger dedans facilement. Ça ne veut pas dire que c’est négligeable, mais que l’auteur a eu l’élégance de penser à son public, et pas seulement à son nombril et à la postérité. (…) Il y a eu une époque où tout se faisait avec beaucoup d’arrangements. (…) C’est une époque révolue. » (Europe 1, 7 novembre 2018).

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Nous voilà grandement rassurés. Il serait donc loin le temps où l’obtention du prix Goncourt était le fruit de manœuvres souterraines et de batailles d’influence. Où la consécration d’un grand roman était l’exception et déclenchait « une émeute littéraire ». Prenons par exemple l’année 1919 et l’attribution du prix à Marcel Proust pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Une histoire qu’exhume dans son nouveau livre Thierry Laget, spécialiste de l’auteur d’À la Recherche du temps perdu et écrivain lui-même. La célébration d’un centenaire est une raison pour revenir sur cet épisode tumultueux. Mais la réouverture de ce dossier n’est peut-être pas non plus étrangère à la possibilité d’apporter quelque éclairage sur notre présent. Car Thierry Laget affiche d’emblée sa conviction quant à l’Académie Goncourt, qui n’est pas tout à fait celle des voix autorisées – entendues plus haut. Portant un regard sur les jurés à travers le temps, il écrit : « La composition de l’Académie se haussera rarement au-dessus de cet idéal de médiocrité qui, son palmarès en atteste, constitue sa principale ambition ». Voilà qui est


Christophe Kantcheff

Journaliste, Critique

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