Portrait du jeune artiste européen en fleur, et en pleurs
La jeunesse, l’Europe, l’art. A ces trois mots si familiers, rien de substantiel ne semble plus pouvoir se raccrocher aujourd’hui ; comme si leur évidence sémantique s’était métamorphosée en trouble politique et existentiel. Ce ne sont plus que des mots, cachant l’incapacité collective à en traduire le sens ou à en dessiner l’avenir. Comme l’état du débat public en témoigne, l’Europe échoue à susciter un élan collectif procédant d’une idée et d’un horizon partagés par-delà les frontières des Etats qui la composent. La jeunesse elle-même peine à se constituer en une catégorie unifiée et à se faire entendre, en-dehors de quelques nouvelles luttes communes, dont celle contre la crise climatique. L’art, enfin, a souvent tendance à se rendre indisponible pour demeurer une pure « énigme » aux yeux de l’opinion, pour reprendre l’expression de Baptiste Morizot et Estelle Zhong Mengual dans leur récent essai, Esthétique de la rencontre, L’énigme de l’art contemporain (Seuil).
Dans ce cadre un peu flou, définir aujourd’hui le profil d’un jeune artiste européen relève d’une gageure que l’exposition de la Fondation Cartier, « Jeunes artistes en Europe, les métamorphoses », se propose pourtant d’éclairer. Moins pour identifier le visage homogène des artistes en formation, vivant sur le vieux continent, que pour cartographier des savoir-faire et des pratiques artistiques disséminées au sein des jeunesses européennes qui, dans un contexte politique partagé et un cadre géographique commun, dialoguent entre eux, indiciblement et solidairement.
L’exposition, curatée par Thomas Delemarre, assisté de Sidney Gérard, Leanne Sacramone et Sonia Digianantonio, réunit ainsi 21 artistes (tous quasiment inconnus), issus de 16 pays, nés entre 1980 et 1994, sélectionnés à la suite d’un long travail de prospection sur le continent (plus de 1 000 dossiers récupérés et 200 artistes rencontrés). Grecs, Danois, Tchèques, Belges, Estoniens, Suédois, Hollandais, Portugais, Italiens, Anglais